Collectif frappadingue issu du label lyonnais Dur et Doux, Le Grand Sbam met en avant l’expérimentation musicale et pour ce faire, s’appuie sur les compétences de membres des groupes suivants: Saint Sadrill, PinioL, PoiL, Pili Coït, LFant, Brice et sa Pute et j’en passe. Sur la base de 2 voix féminines aussi lyriques que déjantées, la joyeuse et déviante troupe ainsi réunie a enfanté ce Vaisseau Monde explorateur à outrance. Lequel, dès Dins o Sbam, premier titre sauvage aux chants fous alliés à un fond saccadé, cabaret, noise, sans famille sonique précise, soigné comme il peut être dégingandé, libère une démence qui, sur 5 plages dont le cheminement tout en loopings leur permet toujours un rendu génialissime, suinte par tous les pores le génie et l’extravagance maîtrisée, sans cesse sur le bord du fil.
Si les 2 filles surprennent par leur organes, l’écrin cinglé concocté par leurs camarades de Sbam sera leur vêture parfaite, la réponse idéale à leur hors-pistes vocal. On passe sur le disque d’instants clairs à des ruades belles dans leur puissance, un vibraphone s’invite à la fête, tordue et captivante après avoir failli nous laisser sur le bord de la route suite à ses fréquents détours. Mais l’aventure vaut le détour; c’est l’ivresse sonore, on se hasarde et on titube stylistiquement, mais on trouve la juste voi(e)x.
Sorti indemne, galvanisé même, de l’introduction, on se frotte à un Les lotus ont fleuri, je suis assis à côté d’un éléphant aux oreilles usées (tout un programme) de même teneur saccadée, autant furieux que peaufiné, zébré de bourrades noise. A partir de règles déréglées, Le Gand Sbam fait briller les chants, lui adjoint une musique nouvelle, qui sort de cerveaux dérangés. Le mot étant, en l’occurrence, un hommage à l’aptitude du groupe à penser collectivement, à créer des pièces au sein desquelles chacun à sa place reconnue et sert l’intérêt collectif. Et ce sur des durées étirées, sans le moindre ennui à l’horizon. Au contraire, le sentiment d’entendre là quelque chose d’unique rend l’écoute plus porteuse encore. Kouïa, 3ème chanson du tout, ne suivant surtout pas la voie de l’assagissement. Dur et Doux, à l’image de sa structure d’appartenance, Le Grand Sbam pousse l’exploration, parait aller jusqu’au tréfonds de celle-ci pour en tirer toute la teneur.
En orchestre noise à l’unité explosée, le collectif nous abreuve de coups de semonce soudains, fait de sa démence l’une de ses plus belles ressources. Le vécu de ses intervenants en est une, conséquente, et élargit son champ des possibles. Sur Woubit, on instaure presque le silence total, mais on sent la vague monter, la tension lentement croître. Les climats, inquiétants ou plus élégants, sont palpitants. L’atmosphère, sur ce morceau, est orageuse mais la foudre, pour frapper, prend son temps. Insidieuse, elle laisse place à une embellie céleste, conformément à l’habitude du groupe de se diriger là où ne l’attend pas. La fantaisie sonore est de mise et contribue, elle aussi, à l’attrait que Vaisseau monde exerce de bout en bout.
On arrive à ce moment au terme de l’opus, mais Vishnu Foutrôline ne calmera pas le jeu. Agité du bocal, et du vocal, il fonde un lyrisme barjot, tapageur pour l’instant d’après s’apaiser sans pour autant faire dans la sagesse. Le résultat, qui demande à être assimilé, ne trouvant aucun semblable, tout au moins dans mes souvenirs, au sein de la charrette pourtant débordante de sorties d’albums actuelles.