Duo bordelais ayant auparavant pratiqué dans Year of no Light ou Franco Divine, ou encore Fléau et Aêroflôt,VvvV s’inscrit dans un créneau si large qu’à l’arrivée, le rendu apparaît unique et réellement inclassable. Ouverts, ses deux membres ont biberonné du hardcore club sombre, de la free party autant que du vinyle post-punk et du black métal scandinave. Pour les besoins de leur paire musicale, ils jouent sur des synthés analogiques, comme un groupe d’electro pop, qu’ils branchent sur des amplificateurs puissants, comme un groupe de rock. Ils mêlent la pop, l’indus, la new wave, le shoegaze, le krautrock, le dub, le clubbing, les musiques de film, tous étant les résultantes de leur culture sonique étendue.
Sur ce The Wreck, on part par exemple d’une base électro/cold, sur Mirrors, pour ensuite évoluer vers des ritournelles cosmiques qui me font penser à Yeti Lane, autres français talentueux usant volontiers de machines. Il y a aussi dans le contenu, ici et plus loin, un brin de psychédélisme et des embardées shoegaze. On le voit donc, ou plus précisément on l’entend; VvvV ratisse très large. Il arrive cependant à générer un opus cohérent, que l’éponyme The Wreck simultanément rêveur et alerte, à l’opposition bienvenue entre sons froids et chant plus clair, renforce dans son identité. Les Aquitains font preuve de brio, lancent des mélodies spatiales qui font leur effet, et sont visiblement en quête, fructueuse, d’un édifice sonore personnel. Leur expérience, conséquente, les y aide grandement. Sur le plan stylistique, aucune barrière ne vient freiner l’élan, inspiré, des deux bonshommes.
Sur Paradise, j’ai cru brièvement entendre A Place To Bury Strangers dans sa version « light », moins sonique et dotée, comme souvent sur l’effort du duo, d’une touche individuelle certaine sur le plan de l’esthétique. Sur le dit morceau, on est dans de la mélopée à la fois animée et vaporeuse. L’équilibre est aisément trouvé, la diversité des essais ne nuira de plus en rien à la qualité du disque. Je note alors, via un détour sur son Bandcamp, que le groupe est actif depuis 2012 et a déjà signé un premier long format en 2016, après quelques Ep’s. Ca explique, partiellement, son habileté à se démarquer et la valeur récurrente de The Wreck. Wonderland, leste et puissant dans sa « lenteur », étendant encore un peu la portée des débats.
On arrive alors à la moitié du parcours et Unslaved, saccadé, cosmique dans le chant, nous plonge lui aussi dans des sphères enveloppantes. Il s’emballe rythmiquement, souffle du son emballant. Jamais linéaire, VvvV a visiblement marqué de son empreinte des formats estimables, de haute volée même, ceci sans choisir la facilité. C’est ici son génie créatif qui domine et on ne s’y perd pas malgré la pluralité des plages livrées.
Aussi sécure que troublée et agitée, la bulle VvvV attire. Resonances se déploie lentement, sûr de son impact, et se fend d’encarts puissants. Il alterne entre douceur et montées plus excessives, et Angels le suit sur un tempo tout aussi lancinant. On expérimente avec adresse, on emmène régulièrement son auditoire vers des contrées nébuleuses belles et tourmentées, qui font toute la sève ou presque de The Wreck. Le tout est de plus chanté -avec un certain relief-, ce qui permet de contourner l’ennui de l’instrumental à tout-va.
La fin est de surcroît excellente; l’entraînant Sparkling neons, que je qualifierai péniblement de « cold-club », vient la parfaire et par là même, enfoncer le clou d’un genre novateur. Mention très bien au final, aux 2 comparses, pour cette rondelle ambitieuse et sans temps faibles, qui donne de plus l’envie de se plonger sans attendre dans leurs sorties antérieures.