Touche à tout génial, maîtrisant l’art du sampling comme pas un, John Trap a collaboré avec bon nombre d’intervenants et sorti une flopée de disques où il fait valoir, avec « brillance », sa science du collage musical. Sur ce Moving actors, on ne sera donc pas étonné: depuis plus de 20 ans, le Finistérien fait ses preuves et sans coup férir, des voix et dialogues samplés accompagnent une musique éprise de coolitude (Hard work), mais également virulente quand, sur l’amorce du disque, on a droit à un mix dingue entre électro, funk et hip-hop (The wrong thing), digne du meilleur des Beastie Boys. Scandé et truffé de sons dérangés, le morceau nous met de suite dans les meilleures conditions. I’ve always wanted it, dans la foulée, réinstaure ces dialogues décisifs, sur fond de musique « assemblée », quelque part entre jazz et électro mais de manière, évidemment, déviante et inqualifiable. J’y pense, pour le coup, à Soul Coughing qui faisait lui aussi preuve d’excellence dans le « malaxage » sonore.
Suivant cette méthode qui ne lui échappe jamais, John Trap va nous régaler sur la bagatelle de 14 titres, car il est de plus prolifique. Son contenu est dansant et jamais bien-pensant, jamais rangé. Harry sonne comme un hip-hop doté d’effluves funky, Stupid movies transporte une électro agitée, Helen M est à leur image inclassable; fait de sonorités astucieuses, étoffé par des voix venues d’ailleurs et ayant pourtant parfaitement leur place ici, il fait sensation. Trap ne tombe pas dans le piège du conformisme; au contraire, il opte pour les chemins détournés et c’est là qu’il est le meilleur. I wrote the song joue une cold-soul rythmée du plus bel effet, avec ses chants féminin-masculin judicieux. Like a pig transpire cette même pathologie du normé, laquelle débouche sur des créations inégalables. Le gaillard de Morlaix, dans un esprit lo-fi, ne présente aucune faille.
Spatial sur Washed away, avec le support encore une fois de notes singulières, électroisant le temps d’un Black and broken aux cuivres étayants, John trouve son groove, fait danser et touchera au coeur, et aux gambettes, les plus audacieux. Ceux qui, aguerris, l’auront suivi jusqu’au bout dans son orientation défricheuse. Son Ich kann nicht à la fois subtil et colérique dans les voix reflète bien un penchant pour les cadences hip-hop, pour un feeling funk qu’il réinvestit parfaitement. Mais avec ce type d’artiste, on ne se cantonne pas à ça. L’investigation est continuelle, cohérente cependant.
En fin d’album, Fuck the king m’évoquera à nouveau les Beastie Boys. Pour le climat funky, la disparité des éléments et, au final, l’accroche forte du rendu. Capable d’atteindre les sommets à partir de rien ou presque (lo-fi, vous disais-je), John Trap termine son ouvrage au son d’un Good time bluesy-funky ondulant, dernier titre, donc, d’un disque où il évolue, stylistiquement, tout en restent fidèle à son esprit de « chercheur » musical. Le résultat, généreux, s’avérant être génial et enivrant.