Après RWW il y a quelques mois, l’association Balbibus, implantée à Amiens, est parvenue à attirer dans le Mic-Mac de sa ville les Slackers, légendaire combo New-Yorkais à la fois Ska, Rocksteady, Reggae, Dub, Soul, Garage Rock & Jazz, précédés par Ayélé et son afro-soul-folk aux tonalités calypso-jamaïcaines qui, on le lira plus bas, a déjà collaboré avec du beau monde, outre le fait d’associer Laurent Griffon, bassiste multi-instrumentiste et directeur musical du duo malien Amadou & Mariam pendant 12 ans, et la chanteuse, auteure-compositeur Ayélé.
A mon arrivée au Mic-Mac donc, joli chapiteau jouxtant la Briqueterie et des lieux de pratique sportive, la foule est déjà conséquente, conversant aux abords des lieux. Elle va, vite, se retrouver à dansoter durant le set d’Ayélé tandis qu’une affiche du concert barré d’un mot que l’organisation a du apprécier grandement, « Complet », borde la piste.
Ayélé donc, trio parisien, enchante son monde et joue un set qui, s’il ne me transporte pas, moi le féru d’énergie débridée, en fera sourire plus d’un, et d’une, de bonheur. Ca joue bien, le chant « ressort » et l’expérimenté Griffon joue des lignes de basse assez renversantes. Les sonorités dépaysent un peu, les phases enregistrées déclenchées par le batteur amenant un surcroît de « transport » qui fait qu’à l’issue, un rappel sera demandé aux 3 comparses. Au cours d’un parcours déjà étoffé (alors qu’il s’appelait encore Pepper Island), qui l’a amené à oeuvrer avec entre autres Jean-Benoit Dunckel du groupe Air et le New Yorkais Marc Plati, ou encore à composer la B.O. du 1er long métrage de La Rumeur, Les derniers parisiens, le groupe s’est rodé et tient la scène sans folie mais avec l’assurance de ceux qui savent faire. Il est en tout cas plébiscité ici, et peut quitter l’espace de jeu avec la sensation d’avoir laissé un souvenir durable dans l’esprit de la plupart des « dancing people » rassemblés dans le Mic-Mac. Il n’est de plus pas anodin, loin s’en faut, d’ouvrir pour The Slackers et ça, Ayele pourra l’inscrire fièrement à son carnet de route déjà fourni.
L’attente débute alors, la curiosité de voir un groupe doté d’un tel parcours s’y greffe. Rien qu’à la vue du stand de merch, on prend la mesure de son cheminement et on devine que le set de ce soir sera d’ores et déjà unique, sachant que la dates des Slackers en France sont assez éparses. I fought the law des Clash résonne dans la sono, le refrain en est chantonné par le tromboniste et vocaliste Glen Pine qui termine tranquillement de s’installer.
Le show débute alors, la foule est sainement folle et crie sa joie d’entendre, virevoltant dès les premiers instants, le registre hauts en styles, et en notes, des Slackers. Ca pulse sévère; ska, rocksteady, reggae, jazz et garage sont joués avec la même maîtrise, ils sont parfois unis au sein d’un seul et même morceau et le sextet américain prouve sans tarder que la scène est un terrain où il est dans son élément. Cuivres et orgues giclent, les chants sont tout-terrain, les mimiques de Pine et Vic Ruggiero attestent de leur implication dans l’événement. Les corps bougent, on peut passer ici d’un plan garage à un ska sautillant, d’un reggae le plus typé qui soit à un dub où la basse, tenue comme une contrebasse, installe son groove. En jetant un oeil sur l’assistance, on se rend compte qu’elle est pluri-générationnelle. Le Mic-Mac fédère, l’envie d’y mettre les pieds dépasse bien souvent le genre musical qui y sera mis à l’honneur ou la stupide crainte du public qu’on y verra. Il jubile, ce public, et il en a pour son fric.
Sur scène, c’est aussi l’éclate. L’énergie suinte de toutes parts, la musicalité est bluffante. Impeccables de maîtrise et d’unité, The Slackers prennent des airs de machine à danser, leur registre est une sorte de juke-box qui a chaque titre joué fait mouche. La guitare d’un Jay Nugent au nom prémonitoire étaye l’ensemble avec un bel aplomb. Le point commun à tout cela, c’est le groove et la passion. Communicatif, le bataillon Slackers part à la guerre, sonore, et unit les castes dans le même mouvement dansant. Le cadre du Mic-Mac, vintage, lui sied de plus à merveille. Les ressortissants de chez Hellcat Records ont les oreilles bien ouvertes, leur éventail musical l’illustre, et cela leur permet d’imposer leur patte, veloutée ou plus ardente, soyeuse ou griffue. Dans le parterre de danseurs, je croise un homme venu de Saint Lô, qui me dit dans un sourire que « quand on aime, on ne compte pas ». Il dit vrai et le concert de ce vendredi est la parfaite démonstration, vivante et captivante, de son expression.
On en remercie donc le Balbibus, initiateur de cette date qui fera date, dans l’attente de celles à venir pour lesquelles on lui voue, au vu de ce qu’il a déjà pu entreprendre jusqu’alors, une entière confiance.
Photos William Dumont.