Anglais déjantés découverts lors du Minuit avant la Nuit amienois, version 2018, Warmduscher mixe les genres, dans son shaker musical indocile, avec folie et ingéniosité. Sur ce nouvel album nommé Tainted lunch, outre la présence d’Iggy Pop et du rappeur Kool Keith, on entend ainsi du garage, du disco dingue, des variantes funky et hip-hop, ou encore bluesy (et encore, je résume). Le tout mélangé, placé un peu arbitrairement pour au final donner un disque foutraque et génial. A l’image par exemple de The chimp, déflagration sonique brève et marquante, ou de l’introductif Rules of the game, où apparaît Iggy et qui impose une trame indéfinie, le groupe de Clams Baker JR et consorts ne se donne aucune directive restrictive. Garage sur l’éponyme Tainted lunch, funk-rock zébré de hip-hop dans le chant avec panache le temps de l’excellent, lui aussi, Midnight dipper, il nous met sur les fesses à chaque titre. Disco peanuts, sorte d’électro-pop aux claviers en cascade, le montre bien; on groove avec démence, selon une recette parfaitement tenue. Il n’y a dans Tainted lunch aucune routine, loin sen faut, et l’ennui n’y a aucune prise.
Dans ses atours barrés inventifs, le groupe rappelle les Oh Sees et leur démentiel Face stabber, sorti il a quelques semaines. Fill it, don’t spill it riffe rock, j’y entends, un peu, les Beastie Boys mais le morceau est d’obédience rock trituré, les voix s’y répondant d’ailleurs follement. Imaginatif à tous les étages, Warmduscher suinte un rap de haute volée lorsque Kool Keith place sa voix sur Burner. Il faut suivre, certes, mais on leur emboîte le pas volontiers. L’opus en présence, bien qu’éclaté, captive bien plus que la plupart des sorties actuelles, trop souvent uniformes. Arrive alors le The chimp taré nommé plus haut, que suit Precious things et ses effluves vaguement jazzy/bluesy. Vocalement, un certain attrait émane aussi de la grosse dizaine de chansons présentées. L’orientation déviante me fait régulièrement penser, de manière avantageuse évidement, aux Butthole Surfers.
Le choix d’un non-choix, de la part du groupe, est donc louable. Grape face, rock leste et mordant, s’invite à la liste des compos passionnantes. Les sons fous fusent de partout, les chants quittent eux aussi la piste. On reste en eaux rock, ensuite, quand survient Blood load. Rythmé, bourru, braillé ou narratif dans le chant, il dope une fin d’album qui tient la route, ou la quitte, comme le reste. Tainted lunch est un album qu’on écoutera souvent, désireux de s’imprégner de son excentricité stylistique. Il en va ainsi sur Dream lotion, funky et hors du commun, impossible à classifier. La clique londonienne bouscule les étiquettes, se met en évidence par sa prestance vocale atypique et son brassage ajusté bien qu’improbable au départ.
En toute fin d’effort, on s’offre une issue posée, élégante, avec Tiny letters. Le panel, très large, est ainsi bouclé et plusieurs écoutes ne pourront suffire à y mettre un ordre quelconque. Elles révéleront, en revanche, un essai de qualité supérieure, concocté par une fine équipe unissant des membres de Paranoid London, Fat White Family, Insecure Men et Sworn Virgins , qui a de plus le bon goût de ne jamais s’en tenir à la norme.