Vus il y a quelques semaines à la Lune des Pirates d’Amiens, où ils livrèrent un concert magique, les Italiens d’Indianizer ont l’art de mêler les genres, de faire voyager l’auditeur. Ce Nadir est leur 2ème album et les turinois y font feu de tout bois, de manière déjantée et hautement inventive. Géniteurs d’une sorte d’ethno-psyché au groove hallucinant (Sin Cleopatra), pour les besoins duquel ils recourent à un panel de sons large, qui n’est du qu’à leur ingéniosité, ils créent autre chose sur le plan stylistique.
Sur Nadir, ils imposent d’emblée un long format, New millenium labyrinth. Une épopée kraut-psyché aux pouvoirs psychotropes certains, audacieuse et absorbante. Voix susurrée et sons venus du cosmos, rythme immuable et insistant concourent à faire de leur amorce une réussite qui, en plus de captiver, illustre bien leur procédé. Libre et dénué de règles précises, Indianizer navigue à vue mais maîtrise son cheminement. Des sarabandes funky s’incrustent dans le morceau, fou et génial. Gage d’innovation, Nadir nous surprendra sur ses 6 titres, tellement denses qu’il n’est nullement besoin d’en dire plus.
Au terme de cette ouverture atypique, Reyna querida convoque des chants doucereux, sur une trame dépaysante qui embarque son monde bien au delà des frontières italiennes. Dans ce doux-rude à la base psychédélique que le groupe explose et transcende, Indianizer est largement à son aise. Le Sin Cleopatra nommé plus haut le voit finir la face A de son ouvrage avec brio. On n’en est donc qu’à la moitié du chemin et l’effet est déjà conséquent. On ne demande qu’à poursuivre l’expérience, dont on subira les conséquences, porteuses, avec joie. Horoscopic (Saturn returns) livre alors un rock psyché riffeur, alerte, qui fait monter la température d’un cran supplémentaire. Incrustes funk, élans issus des 4 coins du monde, parfaitement amalgamés, et voix uniques portent le groupe très haut. Qu’il fasse dans l’enlevé ou se montre plus retenu, ce dernier suscitera l’adhésion de tous, bien que l’écoute exige un effort d’assimilation.
Restent à ce moment 2 titres à se caler dans la caboche et Ka ou fe unit simplement, en son début, voix et sons barrés/acidulés. Le rythme, d’obédience électro-kraut, arrive ensuite et élève la chanson dans les cimes. On ne trouvera rien de commun ici, on se régalera d’un contenu génialement excentrique, à l’opposé de l’universel. C’est pourtant dans un univers singulier, le sien, qu’Indianizer nous balade. Ca donne le désir irrépressible d’y rester, quand bien même l’aventure s’achève avec Aya puma. Une dernière merveille elle aussi funkysante, mais passée au filtre d’un ethnisme sonique assumé, dansant et enfumé, haut en sons et en couleurs et, au final, addictif en diable. Magnifique essai!