Projet de Dario Serra, guitariste de Suzanne’s Silver, De Marion n’en est pas, avec ce Down the road of mainstream I saw you, canzone, à son coup d’essai. Déjà productif, il a sorti plusieurs formats et pour celui-ci, l’Italien décrit comme un « shy bedroom songwriter » collabore avec quelques intervenants du pays, en particulier Carlo Barbagallo, tout en assurant seul l’essentiel de son disque.
On sent, sur ce dernier, la timidité -créatrice, il faut le souligner-, de Serra. Il parvient ici à trousser des airs blues ou folk, teintés de lo-fi et plutôt minimalistes, qui charment et que notre homme susurre avec grâce (Spoon). Son oeuvre respire la vérité, elle est d’ailleurs « home made » et ça s’entend de façon profitable. Frown ouvre l’opus en livrant une trame assombrie, désabusée, dont le ton est de nature à envoûter l’auditeur désireux, il aurait alors grandement raison, de s’investir dans l’écoute. Mais notre homme n’omet toutefois pas les plages plus rudes, en atteste God put a blind fange in his path. Bref mais taillé dans un blues rugueux, le dit morceau démontre que De Marion ne s’en tiendra pas à un registre figé. Seules perdurent la qualité, et la mélancolie, qui nous inciteront à rester avec lui jusqu’au terme de son effort.
Fin dans son rendu, qu’il écorche de sons « souillants » (Sburramento fulmineo in la minore), l’artiste privilégie les trames blues en phase, de façon certaine, avec le désenchantement qui en émane (Danny boy). En animant ses chansons, en les dotant d’un rythme, de motifs sonores très plaisants, il en étend l’attrait. Matthew est lo-fi à souhait, un cliquetis insistant l’étoffe et ça suffit, en prenant en compte le chant « du bout des lèvres » et le fond obscur, à en faire un titre probant. De Marion se situe à l’écart de toute idée de grosse production; il dit l’essentiel, livre son ressenti sans tricher, et ça nous conviendra parfaitement.
Un peu plus loin dans l’album, Grains allie drone et clarté floue; on expérimente comme si quelque part, on était encore dans une forme de tourment. Puis la batterie assénée et un rythme lent mais marqué étayent le morceau. On trouvera de façon récurrente, chez De Marion, les détails et les bonnes idées qui créditent son ouvrage. Comme l’électro discrète de Gangbang disco white, où la pureté du chant, la sincérité qu’il véhicule, font bel effet. On recourt au minimum, on se montre inventif, on y met de l’âme, son âme, et le tour est -joliment- joué. Il s’achèvera sur Wasted time with nonchalance, dernier titre au lent déploiement, zébré d’encarts bruitistes brefs, dont le but semble être d’affirmer plus encore son contenu, son côté vrai, à l’issue d’un Down the road of mainstream I saw you, canzone attachant et bien troussé.