Sortis du silence après 15 bonnes années, armés d’un nouvel album, les légendaires Ludwig von 88, fleurons de la scène alternative française aux côtés des Bérus et autres Wampas, ou encore Washington Dead Cats et Parabellum, tournent et turbinent encore. L’occasion était donc belle de les voir, en ce samedi d’octobre, à l’Ouvre-Boite de Beauvais qui, avisé, est parvenu à s’assurer leur présence en dépit du peu de dates qu’assurera le groupe. La perspective d’entendre les Louison Bobet for ever et autres William Kramps ou Guerriers balubas, entre autres morceaux ayant traversé le temps, m’a donc incité au déplacement, couronné du plaisir de croiser dans la salle isarienne Philippe Chérencé et son collègue Vincent Vermeiren, actifs et décisifs quant à la bonne tenue de la saison de l’Asca. Sclaasss, duo stéphanois déviant et excessif, ouvrant le bal avec brio.
A l’Ouvre-Boite et à l’image de ce que l’on peut entendre à la Lune des Pirates amienoise ou à la Grange à Musique de Creil, les premières parties sont très souvent bluffantes. Schlaass l’a été, il peut certes irriter par son manque de bienséance mais en contrepartie, le spectateur ouvert d’esprit aura saisi le côté dérisoire et bien plus pensé qu’il n’y parait de la démarche. Haut en couleurs, remuants et provocateurs avec le sourire, musicalement au carrefour du punk, du rap et de l’électro, l’homme et la dame du Forez assurent une amorce originale. Un exutoire même, qui n’oublie pas de pulser et de groover. Une prestation courte et par conséquent d’autant plus marquante, qui en aura surpris et emballé plus d’un. Bien dans le ton, en outre, d’une soirée délibérément libérée, sans révérence et porteuse de différence.
La bienséance est bousculée mais c’est pour mieux, à l’issue, fédérer un public où trônent des punks venus pour les Ludwig mais ayant adhéré, au passage, au set-choc de Shlaasss. Et pas encore assez…Schlaasss, justement, pour ne pas profiter de la prestation des signataires des indémodables « Houlala » et « Houlala 2« , à grand renfort de déguisements divers assortis aux titres joués. Si le tout est parfois immuable, on ne niera pas qu’énergie et impact sonore, alternatif basique -mais pensé- et efficace font leur effet. Dans son flux punk-alterno nourri de titres d’antan que côtoient des nouvelles compositions, « Ludwig » inclut des incartades plus fusionnantes, ce qui lui permet de varier quelque peu son set. Second degré et pléthore de titres forts font sensation; le public ne s’y trompe pas, il jubile et certains iront jusqu’à slammer, avec plus ou moins de succès, sur la foule beauvaisienne.
Le quatuor est visiblement heureux d’être là, prêt à en découdre comme dans les 80’s où, naissant, il en renversait déjà plus d’un. Nobru riffe dur, Karim fait le show sans faire le chaud. La société en prend pour son grade, ce qui fait que les Ludwig ne sonnent aucunement démodé; leur discours porte tout autant qu’il y a 30 ans. On s’en réjouit, ça fait du bien de s’imprégner d’un son aussi « dérisoire », dans l’esprit, mais finalement bien plus porteur et tenu qu’on pourrait le penser, que contestataire dans ce qu’il véhicule. L’équipe de l’Ouvre-Boite peut se réjouir; son choix est bon. Il m’a de plus permis de réparer une « lacune »; celle de ne pas avoir vu, dans mon parcours d’oiseau de nuit des Smac et autres salles bruyantes (petit clin d’oeil aux « Cafconc » qui malheureusement se raréfient), Ludwig von 88. Le profit est par conséquent multiple, dans l’attente d’un retour dans le quartier Argentine où la culture, décidément, est mise à l’honneur sous des formes diverses et constamment attractives.
Photos William Dumont.