Yolande Bashing, c’est Baptiste L., comédien lillois « échappé » du groupe électro-punk Les Dents dans le but d’oeuvrer en solo. Dans ce cadre, il s’adonne à une chanson électro lo-fi, où désenchantement et colère groovante lui servent de déversoir. Doué avec les mots, doué avec ses synthés, minimal pour au final générer un effet maximal, il fait sensation avec ce premier album, Yolande et l’amour.
Les linges sales, d’entrée de jeu, honore les mots, installe une électro vive et dénudée, au rythme entraînant. On pressent déjà que le Nordiste a su, avec brio, établir son propre terrain sonore et verbal. Terreau électro, engrais chanson, semis de désabus, pluie de sons simples suffisent à rendre la récolte fructueuse. L’inventivité audible ici se pare d’atours parfois cold, de sons de basse qui feront onduler (Abscès, avec Aurélien Gainetdinoff). Sur le dit titre, les voix se complètent joliment, les claviers virevoltent et nous embarquent. Les vivants cite indirectement Brel en son début, le refrain imaginatif s’incruste dans les têtes. L’énergie mélancolique de Yolande Bashing constitue l’un de ses atouts, il va « s’amuser à réparer les vivants » et ici c’est sa création sonore, tordue et captivante, qui nous fait du bien, qui quelque part nous répare.
Claude (feat. Mardi) poursuit dans cette veine lettrée, des sons tranchants le zèbrent. Musicalement, on tient avec ce type de disque quelque chose de précieux, éloigné des conventions. Le genre est d’ailleurs difficile à définir, on s’en moque bien car c’est justement la différence, le rendu fuyant l’habituel, qu’on devrait tous rechercher. En ce sens et en toute simplicité, Yolande Bashing satisfait notre soif d’ailleurs. Partager fait mouche avec sa trame ondulante, ses textes qui donnent matière à réflexion. Du chou démarre doucement puis s’emballe, à la fois rythmé et nébuleux. Le chant et sa fantaisie verbale m’y fait penser aux Young Gods, ceux de Only heaven. Les sons, autour, partent dans une farandole folle.
Plus loin, Mes amis se fait cold, cite du prénom à tout-va. On est frappé, une fois de plus, par les bonnes idées développées, le tout sans jamais s’y perdre. En se faisant autre, Yolande Bashing reste, à l’arrivée, accessible. Plonger sous Marine (feat. Demain Rapides) déploie lui une cadence saccadée, la diction hip-hop de l’intervenant apporte un plus. Aujourd’hui est sombre et (pas) sobre, grave et léger. Avec rien ou presque, avec, avant tout, de l’ingéniosité, Baptiste s’en sort avec les honneurs. Il achève son oeuvre avec Réalité, celle que visiblement il connaît, et dépeint, avec justesse. Taillée dans une électro souterraine, l’ultime morceau laisse derrière ses ultimes notes un essai bluffant, qui nous révèle un projet mené de main de maître par un homme un peu touche à tout « qui réussit tout ».