Drose est le projet, atypique, de Dustin Rose, de Columbus dans l’Ohio. Accompagné d’un batteur et d’un guitariste, ce nihiliste visionnaire, ingénieur, chanteur et guitariste fabrique une musique entre noise et indus, allant jusqu’à recourir aux bruits des machines émis sur le lieu d’enregistrement, à savoir…le Center for Automotive Research de Columbus, où notre homme a aussi…fabriqué une voiture de course.
C’est donc dans ces conditions peu usuelles que Boy man machine+ a été cré2, rassemblant le premier album du groupe, qui date de 2016, le tout premier 45 tours « a voice » et 3 morceaux inédits. Et s’il s’avère exigeant, dans une veine parfois proche du Swans des débuts, l’opus est au final passionnant. Percutant, Rose usant d’une voix possédée tandis que la batterie assène et que la guitare joue des plans tordus, diablement intéressants de par leur chemin déviant, c’est un disque de bruit et de fureur, aux ambiances inquiétantes (an idol). Aussi « déferlant » que lancinant, il ne ressemble à aucun autre. Drums lestes (a loss), déchirures bruitistes accompagnent l’organe fou du leader. Une fois le contenu maîtrisé, on ne le quitte plus. C’est le parfait exutoire, noir, frontal et unique. L’objet est en plus superbe, un boitier cd transparent avec les informations imprimées au noir dessus.
Tout concourt donc à happer l’auditeur, oppressé, angoissé à l’audition de ce bijou sans égal. Ca tombe bien, c’est bel et bien des sensations qu’on recherche et Boy man machine+ déstabilise délicieusement.
Les bruits de machines sont, de plus, d’un bel apport. Combinées aux instruments « normaux », elles lâchent des motifs qui étayent le rendu. Ce dernier se fend de coups de sang phénoménaux (numerical control) auquel succèdent des phases presque ambient. Rose hurle, déchiré, déchirant, colérique aussi semblerait-il. L’ensemble est incroyablement compact et pertinent. On plonge dans des abîmes d’obscurité, de tout ça se dégage un groove dont les plus persévérants, j’en suis et m’en félicite, auront du mal à se passer. La partie album inclut 10 titres, qui prennent fin sur his reflection. Moins « braillé », mais tout aussi angoissant, tout aussi sonique aussi, il laisse ensuite place aux 3 inédits, de longueur plus étendue.
Mine les inaugure en confirmant ce côté plus « clair » dans le chant mais autour de ça, le fond est toujours abrupt. Il se pare cependant d’instants d’accalmie, toute relative. L’oeuvre de Rose et ses acolytes n’offre aucune prise à l’ennui. a room et the tapping, les 2 autres « unreleased », confirment d’ailleurs que sur les 17 morceaux dénombrés, tous retiendront l’attention. Quitte a ressortir éprouvé, lessivé, l’écoute vaut la peine d’être poussée. Les guitares féroces de la dernière des 3 plages mentionnées sont par ailleurs jouissives.
A l’issue, ce sont les 4 chansons du premier 45 tours qui se présentent. a voice impose son drone, my face pulse sous l’effet de la batterie de John Mengerink et des six cordes de Gregory Packet. Il y a entre ces 3 là une réelle alchimie, basée sur l’audace et l’investigation. De par leur répétition, leur vigueur lourde ou plus vive, les tires livrés deviennent addictifs. Le tout prenant fin au son de knuckle, susurré dans le chant, retenu jusqu’à la rupture. Un effort singulier, sans concessions, différent au point d’hanter toute platine avide de créations à l’opposé du mainstream.