Alors qu’il arrive à son 4ème album avec ce From somewhere invisible, Oiseaux-Tempête continue à oeuvrer dans son créneau singulier, noise, chaotique et personnel, bâti par Stéphane Pigneul et Frédéric D.Oberland, les « réguliers » du projet, associés à Jean-Michel Pirès, G.W. Sok de The Ex et l’illustre Mondkopf.
Cette fois, l’opus a été enregistré au mythique Hotel2Tango de Montréal avec Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem In My Heart) et Jessica Moss (Thee Silver Mt. Zion). On amorce les sombres réjouissances avec, sans plus attendre, une pièce majeure nommée He is afraid and so am I. Leste, obscurcie et bordurée par le chant de Sok, si expressif, ce titre introductif recourt comme attendu à un éventail instrumental large, et déploie une trame rude. Rugueuse, au style affirmé aussi. Les vagues sonores d’Oiseaux-Tempête déferlent, incoercibles. Pris dans la tempête -sonique-, l’Oiseau tient pourtant le cap. In Crooked Flight On The Slopes Of The Sky, second morceau aux textures plus « lumineuses », si on peut user de ce terme s’agissant d’Oiseaux-Tempête, impose ensuite des atours gris; son instrumentation est ombragée mais il en ressort quelques traits de lumière. Dans sa noirceur, le propos est beau. Sur un rythme tranquille, Oiseaux-Tempête installe son tumulte tenu. Avec lui, on voyage dans l’orage.
Un peu plus loin, We, Who Are Strewn About In Fragments atteint à l’instar du premier morceau une durée conséquente. Cela lui permet d’installer -c’est une constante dans le projet- une atmosphère sans égal, « emprisonnante », aussi troublée que raffinée. Au fur et à mesure de la progression de l’effort, le climat devient de plus en plus inquiétant, intensifié par l’organe magistral et imposant de G.W. Sok. From somewhere invisible génère des émotions, fortes, palpables. On en arrive alors à l’enchaînement Weird Dancing In All-Night I/Weird Dancing In All-Night II. Entrée en matière touchant à l’indus/noise (elle m’évoque Swans), second volet plus alerte mais tout aussi déviant sur le plan sonore; l’imbrication des 2 est parfaite, ajustée de main de maître(s).
Passé ce temps fort, survient un nouveau long format. The Naming Of A Crow, c’est donc son nom, se montrant narratif et dégageant des espaces à la sérénité souillée. Le violon de Jessica Moss s’ajoute à un décor magnifique, maléfique, qui sert d’écrin à la diction du Hollandais. Comme chez…Swans, tiens, on oscille entre cascades bruitistes et filet clair. Le contraste est de toute beauté et surtout, jamais il ne sonne forcé.
C’est alors à Out of sight qu’il incombe de conclure. Le format se réduit, reproduit jusqu’à l’obsession des motifs bien trouvés, jamais convenus mais presque à nu. Oiseaux-Tempête venant de parapher un essai passionnant, exigeant, on n’en doutera guère, mais d’une qualité imprenable.