Leader de Group Inerane, Bibi Ahmed vient d’Agadez (Niger). Il pratique, ici en solo, un blues touareg révolté, habité et finement joué, qui fait son effet sur ce premier essai sous son nom, appelé Adghah.
Un tantinet psychédélique, très dépaysant voire envoûtant, l’univers de notre homme, abrité par le label Sounds of Subterrania!, se montre suffisamment accrocheur pour retenir l’auditeur sur la durée. Porteur de rancœur donc, il véhicule avec subtilité mais aussi intensité. Sef-Afrikia prouve d’emblée qu’avec peu d’ingrédients, Bibi Ahmed peut remplir l’espace. Voix expressive, jeu de guitare fin et rythme discret suffisent à charmer l’oreille, à nous emmener ailleurs que dans le confort de l’écoute. Tel Kal Tidit confirme ensuite le constat: bien qu’immuable ou presque dans sa formule, la musique livrée ici séduit par ses accents « de là-bas ». Tantôt sombre, à d’autres moments plus « lumineux » (Tamiditin Aicha), le registre est plaisant.
L’espace de neuf morceaux, on voyage. Vérité et sobriété sont de mise. Marhaba vient choyer le blues, vecteur d’un ressenti palpable. Crédible, Bibi Ahmed joue sans fard. Son album est un exutoire, sa musique un échappatoire. Pour lui, pour nous, auditeurs en quête d’un son « autre ». L’unique consigne est de se laisser porter. La recette est simple, sans détours irritants, basée sur l’expression d’une douleur que le son atténue.
Avec Adghah, vient l’envie de redécouvrir. Des sonorités, un courant, un genre singulier. I Fitalan nous y incite, aussi alerte que Tamiditin Janette, qui le suit, est pour sa part apaisé. Lucia Taura vient alors conclure un disque authentique, dénudé, qui constituera à n’en pas douter une jolie trouvaille pour bon nombre de défricheurs avides de différence sonore et stylistique.