Un nouveau Oh Sees, c’est d’une part un événement attendu (ce n’est ici « que » le 21ème opus de la discographie du projet mené par John Dwyer et malgré cela, on s’en délecte comme à la première heure ) et d’autre part, c’est l’assurance d’une fantaisie musicale enivrante, créative à l’extrême. Un patchwork de genres complètement jouissif, étourdissant, dont le Face stabber décrit en ce colonnes constitue une superbe illustration.
Notre homme, en effet, continue allègrement à sortir de la route; ici, il emprunte des traverses funky distordues (le bien nommé The experimenter), expérimente, donc, et nous passionne. De pièces longues de génie en assauts psyché-garage qui groovent et déjantent sérieusement (The daily heavy, énorme, en amorce), on a de quoi endommager, de manière profitable, notre santé mentale. L’éponyme Face stabber riffe façon 70’s, nous cogne sans vergogne et file droit devant lui. Snickersee s’extirpe lui de ce chemin direct pour nous régaler de ses airs garage presque distingués, mais attention: cette distinction s’accompagne d’une folie sonore qui vaut de l’or. A aucun moment, on ne peut décrocher de la mixture enflammée que Dwyer nous prépare savamment. Fu xi respire une sorte de funk encanaillé, sulfureux, qui entérine la pelletée de bonnes idées développées par les Oh Sees.
Ca pulse autant que ça danse, le menu est varié, audacieux, et nous emmène dans les cieux. Ceux de la déviance, des formats étendus tel ce Scutum & scorpion Zappaesque. Une montagne russe sonore et émotionnelle génératrice de sensations indélébiles. En outre, on n’oublie pas les plans virulents habituels (Gholü). Poisoned stones, taré et agité, le confirme d’ailleurs merveilleusement; Dwyer est l’un des meilleurs. Certains le disent fou, qu’il le reste car c’est dans ce registre qu’il le plus sensé. Psy-ops dispatch défouraille, se place entre psyché barré, garage, fulgurances et instants plus « mesurés ». Avec les Oh Sees, on ne sait plus trop, dans le genre, où on en est. C’est l’idéal car on s’y perd avec plaisir et c’est bel et bien, à l’origine, ce que l’on vient chercher.
Le registre funk, riffant et endiablé, est à nouveau honoré sur Together tomorrow. Avant cela, Heartworm aura tiré une salve nourrie, et S.S. lukers mom joué un essai garage aux reflets 70’s plus qu’acceptables. On arrive alors à la fin d’album, qui nous réserve dans un premier temps un Captain loosely brumeux, nébuleux, situé quelque part dans le cosmos. Passé ce moment psychotrope, la fin tient en un morceau au delà des 20 minutes, nommé Henchlock. Virevoltant, trituré, exalté, aussi fin que bruyant et ce de façon jubilatoire, entre nuance et entrelacs de sons fous, il s’agit tout simplement d’un effort de maître. Qui met ainsi fin à ce Stabber face magistral, où Dwyer et son équipe se réinventent dans le format qui est le leur, sans chaines et sous le joug d’une inventivité bluffante.
Photos William Dumont (concert au 106 de Rouen).