Second album du KG de Rémy Bux pour le label Herzfeld, l’inespéré Jesus weint blut voit notre homme dézinguer les barrières musicales, d’une part, mais aussi et par ailleurs mêler les langues (Anglais, Français et Allemand) avec, quelle que soit celle dont il fait usage, une destination similaire: les sommets musicaux.
Après, par exemple, un Passage secret (janvier 2014) qui n’aurait jamais du le rester, puis un très fourni Come closer we’re cool (mai 2017), qui recueille « vieux » singles et inédits, KG fait fort, comme à l’habitude, pourrait-on désormais prétendre. Si Al bintou fi al maktabi marie pop, électro et musique arabisante pour un résultat de haute volée, qui plus est alerte, on remarque que la liberté de Bux l’amène à un niveau souvent tutoyé -par lui-même-, et rarement égalé -par d’autres-. L’éponyme Jesus weint blut, cinglant, servant lui, pour débuter, une cold-wave imparable, chantée dans la langue de Goethe. On est bien lancé, le départ nébuleux de Der tod wohnt in Kolmar accouche après cela d’un essai électro-pop brillant et mélodique. KG ne choisit pas, il aime à naviguer entre les styles, à nous rudoyer pour ensuite se faire plus avenant. Mulhausen im elsab, cold et répété, clair et rêveur, illustre bien le procédé de notre homme. Lequel, dans le format instrumental ou dans un registre chanté, parvient constamment à créer une accroche dont jamais on ne décroche. Ses sons inventifs, récurrents, le faisant exceller.
Falscher schein, plus loin, envoie une trame vive, bourrue et mélodieuse dans le même temps. C’est l’une des très nombreuses réussites de l’opus, imaginatif, jamais pris en défaut dans le domaine qualitatif. Organique et synthétique s’y tirent la bourre et à l’arrivée, c’est KG qui nous fait adhérer. L’effort est de plus généreux, truffé de morceaux probants. Grugru wins est taré, punk-indus, trituré, aussi bref que marquant. Herzfeld peut à nouveau se targuer d’une sortie extrêmement estimable. Liebe als trauer emprunte une voix céleste, fait retomber l’énergie sans écorner le moins du monde un disque au top.
Jacksie fan l’y maintient; posé lui aussi entre douceur et « vénéneux », il fait irrémédiablement mouche. Gestern und vorgestern s’ajoute à la liste des instrus aux sons fous, réussis. Burak Selman, mordant, se pare toutefois de trouées de « lumière ». On se dit alors et à nouveau que KG, peu connu, mériterait une plus ample reconnaissance. Son créneau n’est toutefois pas celui de l’hexagonal soumis et conventionnel; il ose, il dérape, il ne fait à aucun moment le choix du tout confort. Tant mieux car au bout du compte, il signe un effort magistral. Tu n’es pas en sécurité, à la new-wave déviante, démontre efficacement sa posture, hors-sentiers.
C’est du tout bon, vous l’aurez compris, que Rémy Bux livre avec son Jesus weint blut. Un autre demain, lent et brumeux à la The Cure (avant de s’emballer de façon réjouissante), le montre une fois encore à son avantage. On en tire le plaisir auditif le plus aiguisé qui soit, une dernière fois attisé par Kühler sommer. Un dernier jet sombre, dénudé, porté par une pulsation électro insistante, qui clôture un album de tout premier ordre.
Photo album: Laure Nantois.