Au « Murmure« , rendez-vous estival incontournable, le quidam a l’assurance, avant même sa venue, de profiter d’un événement de taille -mesurée-, de qualité -démesurée-, ainsi que d’un cadre qui ajoute à l’intérêt du festival. Nombreuses, déjà, sont les éditions mémorables et tentant était le menu 2019, agrémenté entre autres par No One is Innoncent (comble de la joie pour le rockeur très 90’s que je suis), La Ruda, Soviet Suprem, la rough-wave fougueuse des amienois de Structures, Les Innocents (qui pour le coup le furent un peu trop, leur pop prudente s’avérant un brin ennuyeuse), Les Ogres de Barback ou encore Mouss & Hakim, issus de Zebda.
Avec le désormais traditionnel « off », qui anime les rues de la ville, le vendredi débutait sous des atours punk-rock initiés par Diabolo Watts, joyeuse clique ayant donc l’honneur d’inaugurer une première soirée concluante. Passés du Off à la petite scène, ils avancent et Vanupié, à leur suite, déclenche les premiers vivas de la foule. Son mix de reggae, de pop et d’électro prend bien sur ce type de date. Progressivement, la température va monter et la sueur couler. Space alligators surprend, fort d’une pop anglo-saxonne aux accents rock bienvenus. Première trouvaille, on en fait un paquet au Murmure, d’un vendredi que Soviet Suprem va à son tour enflammer. Qualifiés de « Beastie Boys des Balkans« , R.WAN (de Java) et Toma Fetermix (de La Caravane Passe), en duo imparable et survitaminé, de même que leurs acolytes scéniques, imposent leur métissage musical réjouissant. La vigueur du collectif, communicative, gagne l’assemblée.
La petite scène, notons-le, est loin d’être en reste puisque Bob’s not Dead, dans une formule solo sacrément seyante, gratifie son auditoire d’un « punk’n’roll » déjanté mâtiné de chanson ou encore de reggae, ceci de façon éparse et judicieuse. De sa prestation remarquée émane un parfum contestataire lui aussi bienvenu. Communicatif, textuellement et musicalement intéressant, Bob’s not Dead s’invite au rayon « pépites » de cette édition 2019.
On est alors dans l’enchantement, dans la pluralité sonore aussi. Et c’est là que No One is Innocent intervient, mené par Kmar, comme à son habitude monté sur ressorts, et son verbe dévastateur. En y alliant une charrette de morceaux impactants, l’énergie live du groupe et sa colère qui elle aussi se transmet imparablement, on obtient un set décoiffant, à la hauteur de celui livré l’an passé au R4 de Revelles. Le public est convié sur scène, il ne risque sûrement pas d’oublier le moment et « No One » offre un live qui ferait vaciller, tout à la fois, le château et la collégiale de la ville d’Eu. Superbe d’intensité, le combo laisse ensuite place à La Ruda, auteur lui aussi d’une venue puissante, dopée par les cuivres, pulsant au son d’un rock pénétrant. A l’instar de No one is Innocent, le groupe angevin dispose d’un répertoire fourni, plus que solide, mais aussi d’une expérience conséquente, qui lui permettent de rafler la mise. Et Captain Sparks, au bout de la soirée, conclut victorieusement avec sa « chanson urbaine » qui achève de diversifier ce premier volet de Murmure.
Le temps d’un repos, court pour une équipe festivalière dont il faut à nouveau souligner l’énorme labeur, Coda met du rock dans la place et Structures, de plus en plus crédible, joue sa rough-wave avec le tranchant qu’on lui connait. La grande scène lui va bien, il en remplit l’espace à grand renfort de morceaux cold de haute volée. On ne serait nullement étonné de voir Pierre Seguin et consorts tirer profit -c’est d’ailleurs déjà le cas- de dates de renom. Structures est une révélation de premier ordre et son live le prouve en même temps qu’il accentue le côté rock « vrai », un peu moins en vue qu’auparavant, du Murmure.
On le pressent, la samedi sera de taille. Just Alone charme et fait flotter un doux parfum chanson-folk sur la place. La récente bachelière rouennaise a pour elle la fraîcheur, une jolie série de chansons et une sympathie qui la rend d’autant plus attachante. Elle précède Les Innocents, un peu trop pop « polie (et policée) » à mon goût, qui tout en donnant du bonheur à beaucoup me font fuir vers…le stand repas, où nous fûmes servis rapidement. Car c’est aussi ça, le Murmure: une organisation top et de la sympathie en veux-tu en voilà quel que soit l’endroit fréquenté. Les airs pop des Innocents paraissent alors presque acceptables. Shifumi Orkestar leur emboîte le pas en servant klezmer, « zik » tzigane et touches circassiennes avec une belle dextérité.
On repasse alors à la grande scène et les Ogres de Barback, aussi chanson qu’indé, tirent leur épingle du jeu. Humains et généreux, les Ogres bouffent de la scène depuis une palanquée d’années et ça se voit autant que ça s’entend. Chaleureux et dépaysants de par leurs cuivres, expressifs de par leurs mots, libres de ton, ils sèment la singularité. Ce faisant, ils sacrent le Murmure, fréquenté en l’occurrence par plus de 6000 festivaliers qu’un superbe espace camping a pu, cette année, héberger afin qu’ils régénèrent, ou mettent définitivement à mal pour d’autres, leur verte vigueur.
Ce n’est cependant pas terminé et le public jubilera au son de Mouss & Hakim « from Zebda« , conquis par le patchwork sonique de la clique. Là encore le verbe est aiguisé, l’esprit festif et la tchatche transmissible. On a à faire, ici, au prototype du groupe capable d’emmener dans son sillage bigarré n’importe quelle foule festivalière. Ca fonctionne « grave » évidement et au vu de l’enthousiasme général, la team Murmure peut se frotter les mains; son pari, une fois de plus, est réussi. Bootleggers United peut alors mettre fin, avec son mix osé et savoureux, dansant (j’y reconnaîtrai même avec grand plaisir le Wide awake de Parquet Courts ou le Lullaby de The Cure), à ce Murmure sûr et mûr, qui fait vibrer les murs et permet l’évasion, à taille abordable, vers des horizons à la fois sécures et déjantés. L’affaire est entendue, on plie alors bagage avec regrets en imaginant déjà qui trônera à l’affiche 2020.
Photos William Dumont