Collectif dégénéré de plus de 20 personnes, basé à Toronto, Fuctape reflète l’esprit insoumis de ses membres et leur folie créatrice, ici génialissime. Son album éponyme, complètement éclaté -et exaltant- brouille les pistes, nous emmène ici pour nous faite atterrir là, s’amorce en mode hip-hop mastoc pour ensuite riffer dur et virer dubstep (Devil’s chainsaw), avant un Fuct up & wasted folk de toute beauté en dépit de sa courte durée. Et ce n’est que le début! Phone call relate une conversation sur fond d’électro ludique, Someonefinnadien marie chants doux et barrés et trame électro, Shot in the face prend une tangente électro-punk aux relents rap bienvenus. Le bouillon est bon, la mixture sonore est hautement inspirée, faite d’ingrédients divers. Il faut suivre, certes, mais une fois que c’est fait, on ne quitte plus ces gaillards de l’Ontario. La douceur de leur After all these years remporte les suffrages, mais à sa suite I hate U 2 crache une noise électroïde criée et démente, qui unit folie et instants de pure grâce.
Microdose 2, ensuite, expire une trame psych-folk dérangée, aux voix et sons sans raison. L’adresse de Fuctape à dévier est saisissante. Elle enfante ici un résultat fou et addictif. Fuct you se la joue punk, électro, riffe avec rage et breake de façon « pathologique ». Jamais entendu un tel bazar et surtout, jamais accroché de manière aussi prégnante à une telle tambouille. Qui, sur Ugly day, joue une électro elle aussi dingue, aux chemins de traverse fréquents.
A coté de ça, il y a des instants de beauté dépouillée mais tourmentée (Blanket cover the sun et sa voix avenante à laquelle succède un phrasé hip-hop; Shaw-SHANK et sa soul de haute volée) auxquels on adhère avec autant de facilité.
Le tripotage sonore atteint des sommets sur Gimme that shit, se dénude sur le trame psyché nébuleuse de 100k easy. Flombay n’amènera pas Fuctape à la normalité, ce n’est de toute façon pas le procédé privilégié. On s’en félicite. Son électro sombre l’honore. Ave Maria est braillé classieusement et de manière dérangée. Ghost beach emprunte au jazz pour nourrir ses écarts. Fuctape réussit la prouesse, sur une vingtaine de morceaux courts, de produire quelque chose d’entièrement différent. Son Rip vaguement hip-hop en conclusion met donc fin à un disque à la prise de risque étourdissante, sans aucun équivalent si ce n’est chez les défricheurs invétérés.