Après une édition 2018 qui m’avait fortement enthousiasmé, forte d’une coloration indé-underground marquée, Le Minuit avant la Nuit organisé par la Lune des Pirates a fait le choix, cette année, d’ouvrir son panel musical, déjà large, pour proposer un line-up qui, sans atteindre le côté « polisson » de celui de l’année passée, s’est avéré attractif et cohérent.
Sur 3 soirées consécutives et suite au temps fort du vendredi, à la « Lune » même, porté par Foxwarren et Jaune, le samedi et le dimanche investissaient à nouveau le parc Saint Pierre, bel écrin de verdure propice à la flânerie (l’ensemble des enseignes présentes en vaut la peine) autant qu’à profiter des lives prévus pour l’occasion, pour la plupart solides et porteurs et, au delà de cela, d’une diversité dont la conséquence est de satisfaire toutes les franges du public. Celui-ci incluant d’ailleurs des familles venues à l’unisson profiter du son.
Avec des espoirs locaux (Roxanne dans le créneau hip-hop, Structures et sa rough-wave de tout premier ordre), révélations elles aussi accomplies (Mauvais Oeil et sa « bledwave » surprenante, Last Train qui confirme de plus en plus, « armé » d’un rock bourru sans omettre les mélodies, un Nouveaux Climats plus…climatique), et têtes d’affiches ayant logiquement raflé la mise (Temples avec son rock psyché indé et poppisant, Odezenne plébiscité par la jeunesse en dépit d’un registre à mon sens un tantinet opportuniste), le « MALN » a rempli sa mission. Le public a répondu présent, aucun temps mort n’a émaillé l’événement, nourri par des sets s’enchaînant rapidement. L’idées des 2 scènes, en l’occurrence plus distantes qu’il y a un an, est à ce titre judicieuse. Le bonheur de figer la soirée par l’image, de générer du souvenir écrit, de rendre par ce biais hommage aux instigateurs du festival, est conséquent. On se sent acteur, pas seulement spectateur; de fait, on vit la chose de façon décuplée.
A cela s’ajoute le plaisir de se retrouver entre « couvreurs » du festival, d’y croiser pléthore de visages connus et bienveillants éclairés par des concerts concluants. Ca fait du bien et c’est pas rien; Oktober Lieber conclut le samedi soir sur une note techno-cold dansante, Weekend Affair lance après Roxaane ce même samedi sur une touche électro-pop enivrante, légère comme l’air et savoureuse comme les plats de L’Ile aux Fruits dont le stand avoisine la seconde scène. Aloïse Sauvage nous en met plein les yeux avec ses acrobaties, Boy Azooga impose des tonalités plus rock. Il y en a pour tout le monde et si tel ou tel concert plaît moins à certains ce n’est rien, il fera le bonheur de beaucoup d’autres. Ca se voit, ça s’entend aussi car la jeunesse, à chaque signe favorable venu de la scène, clame sa flamme. Les bénévoles et professionnels unis dans la tenue de leur festival assurent à l’évidence un travail fructueux.
Cette félicité est non seulement humaine mais aussi et avant tout musicale; Mauvais Oeil te dépayse, t’embarque dans des contrées lointaines. Last Train t’administre une mornifle rock salvatrice. Johan Papaconstantino rejoint la cohorte des trouvailles dignes d’intérêt, séduisant par son électro-pop aux accents grecs comme son nom le laisse présager. C’est d’ailleurs ça, Minuit avant la Nuit: mêler groupes en essor, combos d’ores et déjà validés, scène « du secteur » (Structures et sa portée cold rageuse mettant celle-ci en évidence avec brio). Le tout avec pertinence, quand bien même il m’arrive de façon éparse -ce qui n’engage que moi- de regretter la programmation plus souterraine de 2018.
Ce n’est toutefois que négligeable; on se laisse vite porter par l’ambiance, par le lieu, par le son, les sons, par la variété sonique qui émane des prestations vécues. Minuit avant la Nuit installe sa marque, son identité, à pas comptés mais assurés. Il est bon, frustrés que nous sommes quant à l’existence de festivals amienois dignes de ce nom, de bénéficier d’une telle opportunité. Le prix est de plus modique, l’équipe mobilisée mérite les honneurs car l’assistance, sans conteste, apprécie grandement l’initiative. Qu’on soit issu de la caste « vétéran », dont je suis, où qu’on fasse partie de la frange bien plus jeune, Minuit avant la Nuit nous permet de belles nuits. On y reviendra donc avec un plaisir renouvelé, avec, aussi, la certitude d’un moment aux souvenirs durables. Et dans l’intervalle, la joie de dates Lunaires elles aussi porteuses.
Photos William Dumont.