Duo expérimental New-Yorkais, 75 Dollar Bill unit le percussioniste Rick Brown et le guitariste Che Chen. Ces deux bonshommes, férus de musique « chercheuse », ont pour les besoins de ce I was real convoqué pas moins de 8 musiciens, ce qui confère au disque ici présenté une diversité, une richesse sonore, qui l’honore. C’est même, disons-le clairement, une expérience qu’il nous est donné de vivre ici. La transe n’est pas loin, le mystique d’un Wovenhand ou le dépaysement d’un Tinariwen non plus.
Avec Every last coffee or tea, qui outrepasse les 10 minutes, on voyage déjà. Climat répétitif jusqu’à susciter l’obsession, format hypnotique, déracinement; il y a déjà tout pour nous faire décoller. Et ce d’autant plus que C. or t.-Verso, second morceau bien plus bref, réitère cette…réitération. Avant que Tetuzi Akiyama, doté de riffs blues jouissifs, ne fasse de même pour nous gagner définitivement. Bien que répétitif, ce qui constitue pour le coup un réel atout, le disque varie ses directions et se montre ouvert. A l’évidence, les deux acolytes et leur band ont trouvé une formule fatale, porteuse. On a alors passé le cap des plages courtes: l’éponyme I was real approche lui les 20 minutes et s’amorce finement avant de s’animer progressivement. Immuable ou presque, il est malgré cela magnétique à l’instar des autres compositions de la paire américaine.
Sur le second volet, WZN3-Verso sonne orientalisant, enfonçant le clou d’une formule, et d’un album, ensorcelants. Intense, il assied la palette jamais restreinte de Brown et Chen. L’apport des invités est audible, il est impossible de ne pas réagir à un essai aussi poussé, libre et sans chaine aucune. Tout comme l’est New new/The worm/like laundry suite, sombre, doté d’une longue « souillure » à la limite de l’angoissant. Difficile à décrire, I was real s’écoute avant tout, se vit bien plus qu’il ne se met en mots.
There’s no such thing as a king bee prolonge cette jam cohérente, nous égare dans des recoins inconnus. Rares sont les travaux aussi « extrêmes », on s’en réjouira évidemment. L’épopée bluesy s’étend encore un peu avec WZN4, ses motifs récurrents en font l’attrait et quand arrive l’ultime morceau, WZN3, on est depuis longtemps conquis, pour peu qu’on n’ait pas décroché, par les longues mélopées de musiciens singuliers qui nous laissent avec ce I was real un opus précieux, dont l’écoute nous vaudra un joli choc sensoriel.