Bon, on ne va pas tergiverser; ce premier album de Dury Dava, c’est l’assurance d’un trip définitif, dont on ne revient pas et qui mêle, sur fond de chant en Grec, psychédélisme, kraut-rock, dézingage sonique (Αταξία) et clins d’oeil complètement maîtrisés, et, mieux que ça, personnalisés, aux 60’s et aux 70’s. En y ajoutant des éléments turco-grecs « trad », on obtient un rendu unique de A à Z, passionnant, qui nous fera monter bien haut tout en nous secouant pour ne plus jamais nous faire redescendre.
Avec Αφρική et ses guitares menaçantes, le ton est donné: chant haut perché, touches tribales, dépaysement et coups de semonces se font des politesses, mais on est ici loin de la compliance sonore. Au contraire, le parti pris est insoumis, semblable à rien et ça fait le plus grand bien. Et ce n’est pas Τρίπτυχο, agrémenté de flûtes trippy, qui fera se ranger ce groupe au labeur infaillible. Il dérape d’un encart psyché vers des instants sauvages, gagne nos sens quel que soit le format choisi, large ou plus court. Έλα Πάλι Να poursuit l’initiation, psychotrope et irrésistible. Petites incrustes jazzy, chant fou, secousses savamment distillées font partie des atouts, indénombrables, qui émanent de l’album.
La recette est relevée, Dury Dava nous propulse en terres tumultueuses et, aussi et surtout, racées à souhait. Sa dextérité musicale est démentielle. Poser le jeu pour ensuite la jouer agitée ne lui pose aucun problème; il reste génial et déjanté (Σάτανα). On en est à peine à la moitié de l’épopée et déjà, on en redemande. Ζούπα calme majestueusement les esprits, mais son calme se double d’écarts dingues, rageurs, où les sons fusent. Ou font dans le climatique, comme le démontre Καλοκαίρι.
On a aussi droit à des morceaux qui passent allègrement les 10 minutes, tels 34522 et Ταρλάμπασι. Leur effet est considérable, leurs humeurs changeantes. Ici comme ailleurs, on est transporté. La route est sereine et orageuse. Gong n’est pas loin, Can est en vue, mais Dury Dava est parvenu à définir son style, à l’écart des formats connus. A côté de cela, Αταξία défouraille sévère. Voilà un disque qui prend des risques, repousse les barrières, révèle du génie.
C’est alors à Κάνε Λίγο Αληθινά de boucler la boucle, après que celle-ci ait emprunté mille détours possibles sans jamais se dénouer. Il le fait sur une tonalité psyché brumeuse, dotée de sons célestes. Superbe essai.