Déjà dépositaire de 2 albums singuliers (Repeupler en 2016, Tout naît / tout s’achève dans un disque en 2018), Gontard, soit le lucide et aiguisé -dans sa vision, dans son écriture aussi- Nicolas Poncet, travailleur social de son état en mauvais état (ce qui me le rend d’autant plus attachant puisque nous exerçons la même profession), récidive avec 2029, chronique rétro-futuriste de sa ville; Gontard sur Misère en Isère (à vrai dire Romans, on pourrait visiblement en faire tout un roman). Il a, depuis ses 2 premiers essais, croisé un beatmaker qui étaye joliment ses travaux (sociaux), ici captivants comme ils ont pu l’être avant ledit disque, sur d’autres disques.
Ici, Gontard raconte des histoires mais ne raconte pas d’histoire. Il dit, parle et scande vrai. Dans ma ville, déjà somptueux, funky, pop et hip-hop, sent l’urgence. L’excellence aussi, l’ironie. Intense, ce premier morceau donne le ton et dégage une belle musicalité. Gontard a aussi du coeur, il exprime joliment une vision exacerbée par ses échanges, ses observations, à partir desquelles il conçoit des chansons-témoignage dont on ne s’extirpe pas. Car elles disent des choses qui touchent, tirées d’une amère réalité. Vif, Aigle royal riffe au synthé. Désillusion amoureuse et devenir bancal (Prolétaires), amertume ironique au verbe encore une fois magnifique (Chanteur de variétés, reprise de Philippe Timsit), ornement de son beatmaker plutôt inspiré; Gontard se démarque et impose sa marque.
Kévin Malez suinte le malaise, mais on y est à l’aise. Gontard, maintenant « implanté », nous prend dans son mot. Son hip-hop de la rue est bien loin d’être à la rue. Son slam, plein d’âme, déclame. On se sent bien quand il dit du mal, fort de son acuité. La fille de la mairie est envoûtant, Nico Gontard croise le fer, verbalement, avec les sons ingénieux de son beatmaker. Ca touche au coeur, le « prénom-dropping » de l’éponyme 2029, son refrain chanson enchanteur, son propos aussi évidemment -c’est une constante chez Gontard-, « emprisonnent » l’auditeur.
Il n’y a pas de Michel-Ange à Gontard sur Isère, prétend t-il en épitaphe de son disque qui squattera nos lecteurs. Mais il y a Gontard, qui met de l’espoir dans un quotidien dénué d’espoir. Un Gontard au style singulier, aux mots précieux, à l’étayage dense et/ou délié, auteur d’un effort très fort; fort de son inspiration, de sa désillusion, d’une palanquée de chansons au son desquelles tout un chacun, que ce soit les personnages ici dépeints ou les « géniteurs » de la misère qui y transparaît, pourra se reconnaître.