Fan depuis ce Mémoires vives surprenant, il me tardait de voir Grand Blanc live. L’occasion m’en fut offerte par la « Manu » de Saint Quentin; le lieu commençait à manquer mon existence d’oiseau de nuit live et je piaffais d’impatience d’entendre, sur la scène axonaise, les Belleville, Disque sombre et autres Verticool.
Le temps, donc, d’un trajet aux airs de come-back euphorisant, le temps, aussi, de saluer Cédric Barré, coordinateur Musiques Actuelles à la ville de Saint Quentin, c’est le duo de frangins Terrenoire qui ouvre devant une assistance clairsemée. Il surprend, par le biais d’un univers électro-chanson habité, fou et doux, à la gestuelle pour le moins expressive, théâtrale même. Il est rare de voir, d’entendre, telle chose et si le registre gagnerait à mon sens à s’étoffer quelque peu, à gagner en « épaisseur sonique », il y a là, de façon incontestable, une identité décelable et « un truc qui se passe ». On est dans l’étrangeté, dans la complicité issue de la fratrie aussi. Terrenoire évoque la vie, qu’il aime, et tire son appellation de son lotissement d’origine. Habité, il délivre une prestation saisissante, appuyée par le mot et le son.
Etre surpris, vivre des temps « autres », c’est somme toute ce que l’on devrait tous rechercher dans ces instants de scène et Grand Banc, sans se démonter face à la « maigreur » du public, sert d’emblée un nerveux Surprise party. Je braille le refrain, ce soir c’est sûrement et même si je les attends tous l’un de mes lives les plus désirés. La « party », justement, cold, rock, pop, électro à la sauce Grand Blanc, qui lui aussi manie le verbe, et le son, avec maestria. La force de certains titres est ébouriffante (Aurore, Verticool), le chant captivant (L’amour fou). Image au mur est émouvant, il interpelle aussi. Los Angeles transporte et c’est une évidence, Grand Blanc a bâti son univers propre, fort, tant musicalement que dans les dispositions scéniques, dans ces lumières remarquables comme l’est le set des messins d’origine. Des instants de douceur déviante parsèment le set (Rêve BB rêve, Degré zéro). Je suis aux anges, il me manquerait tout juste l’exceptionnel Bosphore mais qu’importe, c’est un peu l’Amour fou en ce vendredi soir d’avril. Samedi la nuit, trépidant, est un déluge sonore plus que réjouissant.
Camille Delvecchio, au micro comme aux claviers, renvoie du magnétisme, Benoît David y va de ses interventions tranchantes, de ses textes inspirés et derrière, la section rythmique envoie du groove, implacablement. On n’est pas nombreux mais on est heureux, les chansons jouées sont dopées par la scène. Grand Blanc a de plus à son actif une bordée de morceaux-phare qui font qu’immédiatement, on accroche. Au genre, au son, à ce statisme qui loin de porter atteinte au groupe en renforce au contraire la portée. La Manufacture a de nouveau été judicieuse dans ses choix, à partir du 20 c’est à la Roumanie que Grand Blanc s’attaque avant de revenir sur nos terres. Gageons que le quatuor saura conquérir, en l’occurrence, de nouvelles contrées encore inexplorées.
Photos William Dumont.