Ils sont rennais, bel atout. Ils sont nés de la rencontre entre la chanteuse et comédienne Marina Keltchewsky (TCHEWSKY) et Gael Desbois (WOOD), musicien et beat-maker. Ils ont ouvert pour les Young Gods, excusez du peu, le 22 mars dernier à la Maroquinerie, et le feront derechef pour le Michel Cloup Duo à Rennes, sur leurs propres terres donc, le 26 avril. Tout concourt donc à ce que le duo, ou plutôt trio puisque les guitares et la vision de Maxime Poubanne y ont pris place, se distingue.
Avec ce Live bullet song incandescent, chanté dans plusieurs langues (Anglais, Russe, Rromani, Français), on a droit à bien plus que ça. On peine à s’y retrouver et on s’y retrouve d’autant plus, entre cold-wave, ambiances dignes des Young Gods, chant racé et de caractère, classe et énergie directe. Carnival girl, aussi vicieux qu’insidieux, montre la voie à suivre mais celle-ci n’aura de cesse d’évoluer. Guitares dures, climat cold et tribal, sons d’entre les nuages font bon ménage et le groupe, déjà, se démarque. Semblable à bien peu d’autres, il confirme avec Four-finger ballerina, plein d’allant, lui aussi non-identifiable tant il aime à se situer au carrefour des tendances. Au bout de deux morceaux, sans plus attendre, on le comprend: la trouvaille est conséquente. Elle touche au trip-hop sur I have you, doucereux, où le chant de Marina fait merveille dans un registre adouci. On a le sentiment que Tchewsky & Wood, quelle que soit la piste suivie, se hissera à un niveau difficile à égaler. Et que Lion (in a soviet zoo) fera monter d’un cran supplémentaire, en se montrant à la fois dur et imaginatif, frontal et ambiancé.
C’est d’ailleurs à volume élevé, pour en faire ressortir tous les détails décisifs, que ce disque s’auditionne. Comme sur Burning water, dans une retenue menaçante qui ensuite se déchaîne, ou ce Love she said presque funky dans ses sonorités de départ. Mais pas seulement, loin s’en faut, car il est aussi cold, électro, rock dans ses guitares assassines. C’est « juste » une délectation totale, que Twist et sa froideur soulignée par des claviers fous, une cadence appuyée, consolide. Je n’hésite pas à le dire; ce Live bullet song est l’une des mes découvertes récentes les plus marquantes.
Ce n’est sûrement pas Ya radilas, fort d’un groove délié mais affirmé, qui fera baisser le niveau. Le disque, cohérent à l’extrême, est bien loin d’être uniforme. La pluralité des langages le valorise d’autant plus. Pays sans capitale y intronise le Français, dans un trip-hop glacé et envoûtant. L’alchimie est évidente, inédite. Des grattes dures comme chez les « Gods » charpentent le morceau, prenant. Ashun daje mori conclut ensuite en se passant de toute parure ou presque, pour un rendu égal, dans l’impact, à tout ce qui a précédé cet essai terminal. Ce premier jet étendu constituant, après un premier EP lui aussi attrayant, un coup de maître.
Photo Richard Dumas