Après un Bruits de Lune captivant et le magistral Delgres le dimanche précédent, une nouvelle date de choix se tenait ce vendredi à la Lune des Pirates « from Amiens ». Deux formations hébergées par le label Born Bad y posaient en effet leur bagages et l’enthousiasme était de mise puisqu’il s’agit, en l’occurrence, de Bryan’s Magic Tears, au shoegaze complètement enivrant, sonique, qui laissera ensuite place à un nouveau phénomène unique appelé Villejuif Underground, dépositaire lui d’un rock aussi cool que débridé, illustré par un chanteur australien à la présence indéniable.
Place donc, dans un premier temps, aux Bryan’s Magic Tears qui nous embarquent dans un trip sonique shoegaze donc, lo-fi aussi, issu de son impeccable 4 AM. Sans esbrouffe, en jouant dans la pure tradition shoegazing -tête baissée et cheveux dans les yeux à l’image de l’instigateur du groupe, Benjamin Dupont-, la formation dreamy et sonore, qui évoquera autant le Sebadoh de Lou Barlow que Nirvana ou les Smashing Pumpkins pour le côté rêveur et mélodieux de certains morceaux, ravit la foule et me replonge dans une époque dans la seule évocation m’humidifie le regard. Il faut dire qu’avec des titres de la trempe de Ghetto blaster et ses choeurs merveilleux, une telle brume sonore et ces sons flemmards à la Pavement, le quintette dispose d’atouts imparables. Lilac tree, Change et bien d’autres nous rappelleront aussi My Bloody Valentine, ou Yo la Tengo et le trio mené par Cobain pour les incartades noisy, grungy, des plus fréquentables. Mon compagnon de devant, inconnu jusqu’à ce soir, m’en fera d’ailleurs à juste titre la remarque. Le temps de m’informer qu’il a pu voir, en ces murs, The Wedding Present (90’s again, bien évidemment), ce qui suscitera une forme de jalousie vite éclipsée par la qualité du concert de ce soir, je replonge dans le « sonisme » classieux, dérapant, bruitiste et céleste, d’un groupe qui démontre ce soir qu’il faudra, on l’aura déjà compris, compter avec lui.
C’est en tous les cas, pour moi et visiblement pour bien d’autres, du pain béni. Un Slamino day magnifique étaye le set, les voix s’y croisent et c’est jubilatoire. Je reconnais, au chant comme à la basse ou au clavier, Lauriane, croisée au sein de Cristal Palace que je pus voir il y a quelques années dans le regretté Strato Café.
Ce soir, c’est à la « Lune » que joue son groupe et le trip est plus que bon. Le temps de ranger, après avoir remplacé un ampli ayant capitulé face à la fougue sonore des intervenants, Le Villejuif Underground prend place. C’est un rock à la fois désinvolte et hyper classe que nous servent Nathan Roche et ses acolytes, qui ont à leur actif, comme leurs collègues de label, des morceaux de tout premier ordre et un When will the flies in Deauville drop? enchanteur. Fantasque, l’Australien d’origine n’aura de cesse de dévier et ça ne le rendra que plus charismatique encore, à l’image de son groupe. Il y a dans leur registre de la coolitude (Sorry JC), un timbre à la Lou Reed lui aussi efficient. Il y a des sons aussi country que garage, de l’urgence, une apparente désinvolture qui génère de superbes réalisations. Villejuif Underground est une révélation, on l’accueille par conséquent avec grand plaisir.
On se régale à nouveau, c’est ici une coutume, irai-je jusqu’à dire. Roche se retrouvera plusieurs fois mêlé au public, ou perché en haut des gradins, et les mélodies du Villejuif Underground distribuent du bonheur sensitif. C’est assez unique, c’est loin de ressembler de façon directe à tel ou tel combo d’ici ou de là-bas et Born Bad, de même que la Lune des Pirates et les 2 groupes du soir, a encore et pour le coup frappé juste. Dans l’attente, bien sûr, de dates à venir, dont celle de Yak début avril, incontournables.
Photos William Dumont.