Musicien autodidacte féru de rock déviant, auteur et j’en passe, Palem Candillier répond à nos questions sur son « Nirvana In Utero »
1) Pour débuter, je ne te connaissais pas d’autres « vertus » que celle de musicien. D’où t’est venue cette envie de te lancer dans l’écriture ?
J’ai toujours écrit de mon côté et j’aime énormément lire et écrire sur la musique en particulier. Je m’envoie un nombre affolant de biographies et d’analyses sur des groupes et des styles musicaux. Je pense que mes étagères sont plus remplies de bios que de romans !
Lire des parcours de vie et des histoires de chansons, ça me passionne, et je pense que ça me nourrit aussi en tant que musicien, parce que ça prête à réfléchir sur la musique que je compose. Il suffisait que cette occasion se présente avec la collection Discogonie, que j’ai contactée parce que je voulais aller plus loin que les chroniques de concert et de disques que j’écris en ce moment, par exemple pour La Grosse Radio (que j’embrasse).
2) Pourquoi le choix d’un tel album, le fameux In utero de Nirvana ? Serait-ce en corrélation avec ce que tu es habitué à produire musicalement ?
Quand j’ai commencé à échanger avec Hugues, qui dirige les éditions Densité, j’avais pas mal d’idées d’albums qui sont cultes pour moi. Il m’a finalement guidé vers Nirvana et il a eu totalement raison : la collection Discogonie a un esprit ouvert mais rigoureux et je m’apprêtais à écrire sur des choses un peu cryptiques, un peu fermées. Et en même temps, In Utero est un trip vraiment particulier dans l’histoire de Nirvana, un album plutôt hostile dont les gens se souviennent moins bien que Nevermind. Il y a eu un article américain sur le net qui m’a définitivement décidé, l’auteur y disait « mes chansons préférées sont dans Nevermind mais mon album préféré est In Utero ». J’ai trouvé que ça résumait plutôt bien l’avis des fans de Nirvana autour de moi : on connait par cœur « In Bloom » et autres « Territorial Pissings », mais on est malgré tout fasciné par tout ce que In Utero représente musicalement. C’est paradoxal, donc c’est excitant.
Après, en tant que musicien, c’est un album dans lequel on trouve encore plus son compte ! Non seulement les chansons vont à l’essentiel et il y a des moments de pur génie mélodique comme « Pennyroyal Tea », pour lesquels on vendrait son âme au rabais . Mais en plus la production si spéciale de Steve Albini fait rêver n’importe quel obsédé du son comme moi qui tripote inlassablement ses réglages d’ampli ou bricole ses enregistrements maison. C’est un album qui rassemble tout ce que j’aime et tout ce que j’aimerais faire : la composition efficace sans être facile, l’énergie brute, l’honnêteté totale des textes et le son à tomber par terre.
3) Quelles sensations ressent-on à écrire sur un disque qui a marqué son temps ? Es-tu parvenu, ce qui pourrait constituer une difficulté, à éviter le « fanatisme » trop poussé ?
J’ai évité de trop penser à l’impact du disque, surtout qu’il s’est progressivement imposé et qu’il n’a pas cassé la baraque comme prévu à sa sortie ! C’est d’ailleurs ce que Cobain espérait ! Je suis habitué à écrire avec du recul, mais peut-être trop et mon éditeur m’incitait à être plus partisan dans mes analyses, à rentrer dans le lard. Mais je pense que je le suis déjà en déroulant mon regard tout le long du livre, en aiguillant le lecteur vers ma vision de cet album.
Disons que je suis davantage passionné et obsédé par tous les aspects du disque, pour comprendre comment on est arrivé à ce niveau de génie, et comment In Utero raconte une histoire passionnante sur Kurt Cobain et le groupe, que proprement « fan ». Je suis surtout content d’avoir apporté ma petite pierre aux analyses francophones sur Nirvana. J’espère que ça donnera des pistes, des idées, d’autres façons de penser à cette musique.
4) Te sachant très actif, la rédaction de « Nirvana In Utero » a t-elle eu pour effet d’accaparer toute ton attention, au détriment de tes autres activités ?
Pour écrire un livre comme ça, qui demande d’être sûr à 300% des affirmations qu’on y met et qui demande d’être cohérent dans l’approche qu’on a du disque, forcément il faut être focus. L’avantage c’est que je travaille par petites touches pendant genre trois mois, en lisant énormément et en prenant des notes, donc la vie continue pendant ce temps et ça devient même un moment de kif quotidien que de faire la chasse aux citations et aux informations.
Mais je bloque tout à partir du moment où j’écris. Et là, ça prend une semaine ou deux de remplissage intensif des différentes parties du livre, et ça occupe bien la tête et les doigts.
Heureusement, et c’est l’intérêt aussi pour moi, ça reste de la musique, donc la musique que je fais continue à machiner dans ma tête pendant que je raconte l’histoire de l’actrice Frances Farmer ou comment Dave Grohl enregistre sa batterie dans la cuisine !
5) Quel est ton ressenti « post-écriture » ? As-tu déjà en tête la création sur, par exemple, un autre de tes groupes favoris comme… Sonic Youth ? 🙂
Ahah, je ne m’attendais pas à être autant fiché sur Sonic Youth !
Je suis bien sûr soulagé d’avoir accouché de ce premier livre (le terme est tellement approprié !), parce qu’après l’écriture, il y a beaucoup de phases de relecture et de correction qui sont plus prise de tête parce qu’on voit les erreurs et les approximations et qu’on pourrait passer des années à retoucher des phrases.
Alors quand c’est fini, prêt à être imprimé et qu’on tient enfin le livre entre les mains c’est super agréable. Et j’ai très envie de continuer, dans des formats plus conséquents! J’ai beaucoup de projets, mais Sonic Youth a déjà été bien abordé surtout dans le Goodbye 20th Century de David Browne, que je conseille. Je travaille depuis un moment sur un livre consacré à John Lennon, mais je pense que je ferai peu de biographies, plutôt des analyses de chansons ou de courants musicaux.
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