« Ressuscités » il y a peu par le biais de la scène (très joli concert, en ce qui me concerne, au Rock en Stock), Les Négresses Vertes revoient aussi le jour, et on s’en réjouira, discographiquement parlant.
En effet, Because Music a l’idée, louable, de rééditer en vinyle les quatre albums studio de la clique qui, actuellement, met notamment à l’honneur le mythique Mlah, premier album paru en 1988, sur les planches. On l’en remerciera! Les quatre essais transpirent en effet l’ouverture, le métissage, à l’image de ce qu’a pu faire, à la même époque, un groupe comme La Mano Negra. Et la qualité musicale bien entendu. De ce Mlah révélateur donc, qui impose son côté « vielle France » au cachet certain, mis en valeur par les imprenables Zobi la Mouche et Voila l’été ou encore Orane, avec des rengaines enivrantes et énivrées, pour faire -très court-, on enchaîne avec Famille nombreuse. La musicalité est intacte, Helno toujours présent et prégnant. Les Négresses Vertes, la Famille nombreuse, ils connaissent; ils en constituent une. On ne s’étonnera guère, dès lors, de la valeur du contenu.
L’éponyme Famille nombreuse ouvre le bal, le groupe narre des histoires de vie graves, en d’autres endroits plus légères, et réalistes. Le verbe est sans détour, expressif. L’opus, une fois de plus, est fédérateur, coloré, riche en tendances que les Négresses vertes, cohérents, marient avec dextérité. Cuivres, accordéon, guitares sèches, ritournelles magnifiquement datées; LNV est largement à son affaire. Si Sous le soleil de Bodéga est un peu la « locomotive » de l’album, il ne doit pas occulter l’incontestable qualité du reste. On ne sait d’ailleurs plus où on en est et l’effet est bienfaisant. Raï, flamenco, dynamique rock, musette enlevé, complaintes qu’on garde en tête; le registre est bigarré, festif, addictif.
Helno disparaît alors, mais cela n’empêchera pas le groupe de continuer sa route malgré l’évidente rudesse de l’épreuve. Zig Zague sort quelques années après ce second disque concluant, je n’y vois pour ma part aucune baisse de régime. Il dépayse autant que les efforts précédents, n’incite pas moins à la danse. On en est toujours à ces mélodies tantôt enlevées (A quoi bon), tantôt plus « tranquilles », en tous les cas captivantes, hautes en couleurs et jamais dans l’insignifiance linguistique. Bourré d’allégresse, sur le dit opus, est par ailleurs illustratif de l’esprit développé, tant dans son intitulé que dans les textes qui le créditent. Mais le disque est un tout, indissociable, comme l’est chaque oeuvre de cette bande capable de jouer dans le métro comme sur les trottoirs parisiens avec la même ferveur, le même investissement.
La partie studio prendra fin sur Trabendo, aux atours plus électro qui, de ce fait, amènent un plus sans dénaturer l’identité Négresses Vertes. Leïla, d’emblée, génère le voyage. Le métissage est de mise, Les mégots groove et « embarque » lui aussi. Les sons étayent avec ingéniosité un répertoire renouvelé et en parallèle, les sorties live et le recueil de remixes accroissent l’intérêt généré par les Négresses Vertes. Sur Trabendo, on visite l’Espagne (Hasta llegar), on traverse des contrées lointaines et indéfinies (Ce pays), on fait dans l’électro funkysante (Easy girls). S’il s’agit de l’ultime labeur studio de Mellino and Co, il s’avère hautement estimable et couronne un parcours chaotique mais de haute volée. Que les récentes apparitions live soulignent, dans l’attente d’une suite qui, en toute logique, génère d’ores et déjà une attente fiévreuse.