« Extirpé » de son groupe, Karkwa, le Canadien Julien Sagot s’essaye au parcours solo. Avec son second essai, intitulé Valse 333 et paru en Europe en 2015, il fit sensation et le voilà qui récidive avec ce Bleu Jane aux douces effluves psyché, à la classe verbale et musicale en certains endroits « Gainsbouriennes », ce qui crédite bien évidemment notre homme (Les sentiers de terre).
Si le propos est psyché, donc, il se montre large et le brio instrumental de Sagot instaure ça et là de doux orages (Vacille). Les racines au ciel, tumultueux en son début, libre, s’envole dans l’agitation. Les arrangements sont remarquables, le texte accompagne ensuite avec classe un décor peaufiné, apaisé. Suit ce Ombres portées gentiment griffu, velouté aussi, à la sobriété qui génère un rendu éclatant. Ce sera aussi le cas de Bleu corail électrique, un tantinet jazzy, étayé avec mesure. Sagot dit des choses et les surligne, sur le plan musical, avec à propos. Sur le dit titre, il s’autorise une sortie de route, une soudaine embardée sonore qui emmène et envoûte. On le suit dans ses détours, dans son Désordre et désordre aussi, selon un tempo soutenu et suivant une trame cette fois plus mordante sans se départir de sa légèreté.
Plus loin, il nous livre un Autour des oeuvres de Exing Saong sulfureux, saccadé. L’éclat du discours demeure, il revêt simplement des atours variés. L’éponyme Bleu Jane séduit à son tour, aérien dans le chant, plus vivace dans sa cadence. Jamais complètement prévisible, Sagot construit son propre édifice sonore. Fraise paradis peut alors conclure, « bricolé » avec ingéniosité lui aussi mais trop court pour qu’on le prenne réellement en compte.
Qu’à cela ne tienne, Julien Sagot a d’ores et déjà, avec ce Bleu Jane personnel, conçu une suite entièrement crédible à son effort précédent.