Nouveau chapitre d’une discographie déjà fournie et probante pour les ex-Deity Guns puis Bästard, Ain’t that mayhem? voit Zëro parcourir un spectre toujours aussi large et inspiré, quelque part entre noise, post-rock, indus et trouées jazzy.
Sur pas moins de quatorze titres, on navigue entre mélodie tourmentée/élégante et coups de sang, on débute d’ailleurs par un Adios Texas sombre et finaud à la fois. Puis les saccades, l’allant « post-noise » de The kung fu song, et dans sa foulée ce Marathon woman à l’ornement subtil, porté par une batterie aux roulements entêtants et des sons -c’est une constante chez Zëro- addictifs, confirment les bonnes dispositions et la largeur d’action du trio. Auteurs d’un genre inqualifiable, les lyonnais recourent de plus à une instrumentation étendue, savamment distillée. Underwater frequencies, narratif, exotique dans ses sonorités, Deranged, dérangé, évoquent directement l’excellence d’un Deity Guns. Zëro n’a pas son pareil pour planter un climat, faire fuser les sons et imbriquer les genres. Un côté dépaysant émane de l’album, dont même les morceaux les plus brefs (8-bit crash can, Five vs six) s’avèrent aboutis et captivants.
Les trois comparses ne se fixent aucune limite, mais conservent à l’intérieur de ce cadre libre une cohérence affirmée. Fake from the start, alerte, monte inexorablement en intensité. C’est du millésimé, à l’écart de tout penchant « rangé » ou commercial. Entre fougue stylée et mélopées triturées, on atteint là les sommets. Le jeu sur la répétition permet une belle partition (We blew it). Les déferlantes soniques, telle celle de Myself as a foot, précédent des accalmies trompeuses. Paysages post-rock à l’apparente sérénité (Recife, 1974), essais jazzy obscurcis (Alligator wine), tout est ingénieusement exécuté. San Francisco, inquiétant et « oscillant », orné avec classe comme tout morceau de ce disque prenant, puis le terminal Yawny holiday, psyché, haut perché, achevant de faire de Ain’t that mayhem? un must absolu.