A l’occasion de la sortie de son nouvel album, Mousquetaire#2, Romain Humeau a accepté de rencontrer à nouveau Muzzart à Sortie 13 pour nous en parler un peu. Mousquetaire#2 sort le 25 janvier 2018 et est d’ores et déjà disponible en précommande ici. (interview 2016 de Romain Humeau sur Muzzart). Romain Humeau sera en showcase à Bordeaux à Total Heaven le 6 février 2018 (événement Facebook) et en concert à Sortie 13 le 7 février pour la release party de l’album (événement Facebook). Toutes les dates de la tournée de Romain Humeau sur la page Facebook de Romain Humeau.
Joseffeen/Muzzart: C’est une toute nouvelle aventure avec cet album puisque tu le sors sur ton nouveau label, Seed Bombs Music que tu viens de créer!
Romain: Oui! Quand j’ai sorti Mousquetaire chez Pias, j’ai appris que Mousquetaire#2 sortirait plus tard que prévu chez eux et pas exactement comme je le souhaitais alors j’ai demandé à en partir pour effectuer quelque chose dont on parlait depuis un moment ici, en local, à Bordeaux. Nous voulions créer un label national, même si basé à Bordeaux, avec mon nouveau manager Guillaume Sciota (ndlr:du groupe bordelais Krazolta), Estelle qui est bassiste pour Eiffel et claviériste avec moi et Thomas Demaere. Nous avons monté ce label à quatre pour palier à tous les problèmes que vivent un grand nombre d’artistes aujourd’hui sur les grosses maisons de disques. En nous concentrant tout d’abord uniquement sur mon travail solo, et puis plus tard sur Eiffel, nous espérons pouvoir faire les choses à notre façon. Nous avons 20 ans d’expérience dans le métier et allons essayer d’utiliser le net qui est l’outil principal aujourd’hui mais de revenir aussi à des choses que l’on faisait avant comme des happenings en allant jouer dans des bars en amont des concerts ou en faisant une promo moins calibrée. Le but est de faire à notre façon et de notre mieux avec les moyens qu’on a. C’est une façon de prolonger l’histoire et nous avons la chance d’avoir un studio d’enregistrement où j’ai enregistré mes albums, ceux d’Eiffel et ma récente collaboration avec Bernard Lavilliers. Cette aventure est celle d’une famille étendue.
Joseffeen/Muzzart: J’ai l’impression que sur Mousquetaire#2, il y a une plus grande liberté de ton et dans les mélodies que sur le premier….
Romain: Je trouve aussi. Ce qui diffère entre mon travail avec Eiffel et ce que je fais en solo, c’est qu’avec Eiffel, il y a deux guitares, basse, batterie et parfois des overdubs mais on reste sur cette formule alors que tout est possible sur ce que je fais en solo. Quand j’écris une chanson, je peux la jouer avec un mec qui fait de la kora, du métal ou du hip hop! Avec cet album, j’ai eu envie d’y aller à fond en me disant « advienne que pourra ». Le premier Mousquetaire était plus doux dans le son. On retrouve sur celui-ci, le fait que j’aime, et que les gens avec qui je travaille peuvent aimer aussi bien the Hives que Piaf, Bach ou Fela Kuti. On est à la recherche du trip et on n’hésite pas à s’amuser à « pourrir » un morceau comme la fin d' »Artichaut » ou les sonorités sur « Nippon Cheese Cake » ou « French Pop vs English wine » qui est un clin d’oeil à John Lennon qui est un de mes héros depuis que je suis gosse.
Joseffeen/Muzzart: Il y aussi plus de morceaux en « je » que sur le premier Mousquetaire…
Romain: Oui, aussi! Sur les deux ou trois dernières années, de part des difficultés et le fait que je refuse de faire des compromis, j’ai appris beaucoup de choses. Sur les crises d’angoisse notamment, l’épigénétique, le relation du corps au monde sans être dans la mystique. On arrive aussi à une période dans la vie où on voit des gens partir. Je connaissais déjà la mort gamin mais je l’ai vue de plus près et sur ces morceaux, je suis parti d’un « je » plus réel différent de celui que j’utilise avec Eiffel, comme point de départ comme sur « Nippon Cheese Cake » qui démarre sur une métaphore me concernant personnellement pour avancer et parler de la société, du monde cyberconnecté tel qu’il est, du monde à la 1984 en 2017 et ça se termine comme une visite du monde à la caméra comme dans les Ailes du désir. C’est dans le trajet que je vois la poésie.
Joseffeen/Muzzart: Ensuite, je voudrais te proposer quelques mousquetaires (enfin plus ou moins mousquetaires) et que tu me dises lequel te parle le plus: Les 3 Mousquetaires de Dumas, Sophie Marceau dans La fille de d’Artagnan, Gérard Philippe dans Fanfan la Tulipe, Les Charlots dans Les Trois Mousquetaires, Jean Rochefort dans le Don Quichotte de Terry Gilliam ou l’épisode de Tom & Jerry dans lequel ils sont mousquetaires…
Romain: Jean Rochefort dans ce film qui n’a jamais été fini, c’est complètement dingue! Je pourrais te dire tous mais je suis un grand amoureux de Gérard Philippe! Pas que pour Fanfan La Tulipe même si j’adore Gérard Philippe dans Fanfan La Tulipe. C’est parce qu’en fait, quand j’étais gamin, mes parents avaient le vinyle du Petit Prince lu par Gérard Philippe et sa voix était géniale. Tu en pleures à l’écoute.
Joseffeen/Muzzart: J’aimerais maintenant que tu me parles de quelques uns des titres de l’album. Tout d’abord « Chercher » qui ouvre l’album et le représente assez bien je trouve….
Romain: « Chercher », je l’ai écrit alors que j’enregistrais les cordes pour l’album Acoustique de Bernard Lavilliers. J’étais parti à Londres avec Estelle et ma fille Salomé et, lors d’une balade à Carnaby Street, Estelle m’a demandé si ça allait parce que je ne parlais plus. En fait, j’étais en train de chanter dans ma tête « J’ai cherché mon coeur, dans les midnight louches » et c’est comme ça qu’elle est née. Je l’ai laissée mariner pendant quelques mois parce que j’avais plein de choses à écrire. C’est une chanson en mouvement pour moi, elle « marche ». J’aime beaucoup l’idée de chercher. Je ne crois pas qu’on trouve vraiment. Je pense qu’on pense s’approche du trésor mais que le trouver n’est pas le plus important. Le plus important est d’aller le chercher. Dans ce morceau, il y a tout un trajet, un peu comme dans « Nippon Cheese Cake », je vais très loin dans l’imaginaire que ce soit en parlant d’espace, de ciel, la mer, l’amour, le sexe, l’amitié et j’envoie quelques piques parce que je ne peux pas m’en empêcher! (rires). J’ai pensé à ce leitmotiv, « j’ai cherché » et j’ai trouvé « et cette ombre là, c’est peut-être moi longeant mosquées, églises, alhambras » sur le trajet. J’aime bien parler de religion même si je ne suis pas croyant mais agnostique cependant la mystique m’intéresse. Je voulais que le morceau se termine par « J’ai cherché » et le fait que tout réside peut être là en fait, dans ce moment précis, ridicule, qui est cette chanson. J’ai cherché dans plein d’endroits mais c’est en faisant cette chanson que je me suis peut être le plus approché du fait de trouver. Le titre se termine d’ailleurs sur « et la mélodie, ce flot d’éternité que voilà« .
Joseffeen/Muzzart: J’ai aussi trouvé intéressant que tu mélanges ta voix à celle d’une chanteuse sur « Smartly Stupid ». De qui s’agit-il?
Romain: C’est ma fille! Je savais que je voulais chanter avec une nana sur ce titre parce qu’il parle d’une femme et d’un homme qui sont dans la nature. Il vient d’une idée de clip que j’ai, même si je ne sais pas si ça se fera un jour, dans lequel on serait sur des tanks avec des casques de l’armée à décaniller des nains de jardin. L’idée serait juste de revenir à la nature, de se dire « non mais qu’est-ce qu’ils ont à s’emmerder avec leurs téléphones alors qu’on est là à hauteur d’herbe à regarder la nature? ». On a tous fait ça gamins, s’allonger dans l’herbe quand il fait beau, regarder les formes super bizarres que tu as devant les yeux et parfois, j’ai envie de vivre là. Pour en revenir à Lennon, pour moi, il y a ça dans « Strawberry fields ». On retrouve un peu ça aussi dans une chanson que j’adore de XTC qui s’appelle « Mayor of Simpleton », le « maître de la ville des simples d’esprit » en gros, tout comme « Le benêt » de Katerine et le fait qu’il y a une intelligence dans la naiveté face au monde et c’est un peu l’idée de « Smartly stupid ». Je trouve qu’il y a une modernité dans le retour à la nature. A un moment où je ne croyais plus en grand chose, la nature m’a permis de retrouver certaines choses.
Joseffeen/Muzzart: Et enfin, tu peux me dire quelques mots sur « Artichaut » que j’aime beaucoup notamment pour le « c’est un endroit qui n’existe pas où s’arrachent les coeurs d’artichaut »?
Romain: C’est une chanson sur le suicide mais qui n’est pas forcément négative. Elle parle de tous ces gens qui, pendant une seconde dans leur vie, se disent « j’en ai ras le bol, j’me fous en l’air ». Je pense que c’est 90% des gens et ça ne dure qu’une seconde. C’est un peu psychédélique. Je m’adresse à quelqu’un qui aurait décidé d’y aller vraiment et à qui je dis « t’inquiète, j’arrive » mais j’en fais un univers particulier. On le comprend avec le « un canon tanké sur la tempe du desperado ». J’y parle du tableau de Picasso, à la fin de sa vie, où il a l’oeil exorbité en voyant sa mort en face. C’est un morceau sur le suicide mais j’espère comme un main tendue.
Joseffeen/Muzzart: Tu as toujours plein de projets et as récemment travaillé avec Lavilliers sur son album 5 minutes au Paradis qui vient de sortir…
Romain: J’adore ce mec. Il m’apprend beaucoup et c’est quelqu’un de cruellement droit dans ses bottes et il a aussi ce côté un peu dingue que je trouve très important. J’adore aussi Brigitte Fontaine pour cet aspect-là. Cela ne signifie pas être taré mais un peu décalé et savoir déformer la réalité pour montrer quelque chose d’autre.
Joseffeen/Muzzart: Quoi de prévu maintenant pour la suite?
Romain: Là, on va se concentrer sur le label Seed Bombs Music et, à la fin de l’année, il y aura un album de B-sides qui s’intitulera sûrement Mousquetaire#3 puis un Mousquetaire#4 qui sera un live. Il faut les mixer et je pense que c’est Nicolas Bonnière qui s’occupera du live et moi de Mousquetaire #3.
Un album d’Eiffel est aussi en cours de préparation et devrait être fini fin 2018. J’ai écrit 14 chansons que nous avons commencé à répéter en vue d’enregistrer bientôt. Parallèlement, je vais évidemment tourner pour Mousquetaire #2.
Joseffeen/Muzzart: Je sais qu’on t’a déjà posé la question mais je trouve que tu as ce côté littéraire qui fait qu’on en a envie de savoir si tu n’aimerais pas te lancer dans l’écriture un jour…
Romain: Tu fais bien de demander. On m’a souvent posé la question et j’ai toujours répondu non parce que je n’en avais pas envie mais ça a changé depuis 2 ans. C’est une forme d’art totalement différente. Je ne m’en sentais pas forcément capable non plus mais il y a des gens qui me donnent envie d’essayer. On prend toujours des modèles. Pour moi, ce serait Céline, Yourcenar ou Kundera. J’ai commencé il y a 2 ans à poser quelques idées pour quelque chose qui s’appellerait Camille ou le ventre du monde. J’aimerais écrire un roman mais pas juste un bouquin de 100 pages, un truc à la Ulysse! (rires). J’adorerais m’arrêter pendant un an et écrire. J’aimerais aussi un peu réitérer ce que j’ai fait sur Vendredi ou les limbes du Pacifique sous une autre forme, non pas en adaptant une oeuvre littéraire mais en en écrivant une à 4 mains en utilisant des personnages de romans connus. L’idée serait de faire se côtoyer l’empereur Hadrien avec Angel de L’automne à Pékin, le petit Ferdinand de Mort à Crédit et… Tintin, pourquoi pas? Ce serait anachronique, on ouvrirait des portes pour rentrer dans d’autres choses et tout serait lié. C’est un rêve comme ça.
Muzzart Quizz:
Joseffeen/Muzzart: Ton meilleur souvenir de concert?
Romain: C’est toujours pour moi John Spencer Blues Explosion en 1998. Ce n’est pas mon groupe préféré mais c’est le meilleur concert de ma vie. C’était à tomber par terre.
Joseffeen/Muzzart: Et les meilleurs souvenirs de concerts que tu as faits toi?
Romain: Pour la tournée du Quart d’heure des Ahuris, ça a été le concert avec le quatuor à cordes à la Maroquinerie. Il y a aussi notre premier concert avec Eiffel à la Flèche d’or alors qu’on démarre sans être encore signés. Sur la tournée pour A Tout Moment, contrairement à mes collègues d’Eiffel, j’ai adoré le Zéntih où on est allé jouer deux morceaux dans la fosse au milieu de 4000 personnes: « Chamade » et « Les yeux fermés« . J’ai plein de bons souvenirs sur la tournée de Mousquetaire#1 avec au moins 7 concerts dont je suis sorti en me disant « je m’éclate, j’ai envie d’y retourner! ».
Joseffen/Muzzart: Quel est le meilleur songwriter de tous les temps?
Romain: De tous les temps, c’est John Lennon, mais juste après je mets McCartney et Bowie. Pour Lennon, ce serait sur « I am the walrus » ou « Strawberry Fields ». Pour McCartney: « Yesterday » et « Helter Skelter ». Et pour Bowie: « Ashes to ashes« , « I’m deranged’ que je veux reprendre sur le Bsides. J’adore aussi Damon Albarn et Iggy Pop à l’époque de Stooges.
En français, ce serait Brel, Brassens, Gainsbourg, Boris Vian et Higelin que j’adore!
Joseffeen/Muzzart: Le dernier groupe que tu as écouté récemment?
Romain: En ce moment, je reviens sur des choses que j’aime comme Feu Chatterton! et j’ai découvert un groupe folk américain qui s’appelle Nickel Creek qui me plaît bien et le nouvel album de Beck aussi avec un son très froid et digital.
(ndlr: Feu Chatterton sera en concert à Bordeaux au Krakatoa le 28 mars 20218)
Merci à Romain Humeau, Guillaume et Thomas!
Merci à Romain Humeau, Guillaume et Thomas!