Le bordelais – désormais islandais – Sacha Bernardson sort demain un nouvel album intitulé Rockall (20 octobre 2017) et sera en concert à Bordeaux à la Rock School Barbey le 28 novembre 2017 en première partie de Perfume Genius. Il a accepté de répondre à quelques questions par mail pour nous parler de ce nouvel album, de l’Islande et de Bordeaux aussi.
Muzzart: Cela fait un moment que nous te connaissons chez Muzzart étant donné que tu étais bordelais il y a quelques années. Comment s’est décidé ton déménagement et qu’est-ce qui t’a attiré vers l’Islande?
Sacha: Entre Bordeaux et Reykjavik, je pense avoir déménagé au moins 10 fois. Il y a d’abord eu les Pays-Bas et la Pennsylvanie, après ça je suis revenu en Aquitaine pour reprendre des forces, puis j’ai essayé Londres, et finalement l’Islande où je suis depuis deux ans. C’était un vieux fantasme de venir ici, je ne savais pas vraiment sur quoi j’allais tomber. Bien entendu j’avais vu pas mal de documentaires spectaculaires, l’insularité m’a toujours beaucoup attiré, et je crois aussi que j’arrivais à un moment de ma vie où il me fallait un peu de minimalisme. C’est quand même très contrasté ici, et tout peut changer selon l’humeur, parfois c’est un gros caillou sombre et coupant, et parfois c’est un paradis de verdure. On reconnait bien cette ambiguïté dans la culture moderne islandaise, déjà dans la musique classique qui s’identifie clairement dans une voie très scandinave, je pense à María Huld Markan Sigfúsdóttir du groupe Amiina ou le Nordic Affect qui interprète des compositions originales mais aussi de compositeurs compatriotes. Quand je vivais sur Pittsburgh, j’étais obsédé par la radio norvégienne nrk folkemusikk qui ne diffuse presque que de la musique traditionnelle nordique, beaucoup de crincrin. La scène locale est incroyable, très très variée, vraiment beaucoup plus qu’en France, et surtout ici l’ambition artistique prime, peut être car il est beaucoup plus difficile d’espérer en vivre.
Muzzart: Tu sors donc un album intitulé Rockall. Comment se sont passés la composition et l’enregistrement des morceaux?
Sacha: Je me souviens avoir eu un déclic, c’était en février 2014, j’ai rendu visite à un ami de longue distance, dont le projet musical se nomme Adult Fur, nous correspondons et collaborons depuis de nombreuses années depuis un échange sur myspace(!!!), et c’était la première fois que nous avions l’occasion de nous rencontrer en vrai. Je suis allé le voir à Saint Louis et nous avons partagé une scène, il m’a fait découvert la ville, et la campagne aux alentours. En rentrant sur Pittsburgh, je pense avoir composé les trois quarts de l’album en deux semaines, je venais d’arriver aux Etats Unis, c’était très impressionnant d’être si loin pour la première fois. Je crois que ce choc mélangé à cette culture si familière et exagérée m’a mis dans un état de trance, rien que d’aller au bureau de poste me donnait l’impression d’être dans un film ou un épisode de Friends. La ville de Pittsburgh est très belle d’une certaine façon, elle ressemble à petit théâtre délabré, et la nature des Appalaches s’engouffre dedans. Je dévalais les rues glacées en écoutant Juana Molina et Tune Yards à fond dans mon casque. J‘ai tout fait avec mon tout petit home studio, et puis après plusieurs semaines je me suis offert un peu plus de matériel, mais j’ai vraiment bossé avec trois fois rien. Il y a quelques mois, j’ai fait un gros travail de correction quand je me suis offert des enceintes décentes et un bon casque. Le processus fut relativement long, car j’ai aussi travaillé sur d’autres projets, entre autre deux bande-sons pour mon amie artiste et réalisatrice Aj Dirtystein et un album presque instrumental :57 ?35’48 »N?-?13 ?41’19 »O . Donc on peut dire que je l’ai enregistré partout, les maquettes aux Etats-Unis et en France, quelques finalisations en Angleterre et l’intégralité des voix et des instruments additionnels en Islande. Je n’ai pas mis les pieds une seule fois dans un studio, et je crois qu’on peut entendre ce côté un peu brut/ artisanal.
Muzzart: Rockall est le nom d’un volcan subaquatique au milieu de l’Atlantique Nord. Peux-tu nous expliquer le choix de ce titre?
Sacha: Quand je suis parti d’Europe, je me suis naturellement senti déraciné, mais je me suis aussi confronté pour la première fois aux frontières. En tant que Français, nous avons l’un des meilleurs passeports au monde, il est très facile de circuler partout, mais les USA c’est quand même particulièrement impressionnant, voire compliqué. Je me souviens d’un voyage au Canada, à mon retour, même avec mon visa, le contrôle à la frontière fut particulièrement strict. Rockall c’est d’abord un point du monde très isolé, c’est par amour pour le néant que je l’ai découvert sur internet. C’est une ile si minuscule qu’on ne peut y établir ne serait-ce qu’une cabane, du coup, elle est apatride. Je me suis senti très seul là-bas, je vivais la fin d’une histoire d’amour, je ne pouvais pas vraiment circuler librement, ou chercher un travail décent et légalement, je n’avais même pas le droit de me produire en concert. J’ai décidé de rentrer en France, à ce moment-là, j’ai écrit Flight Desk, c’est un morceau un peu désespéré. Je me sentais un peu comme cette ile, au milieu de rien, avec de la flotte partout autour. Il y a aussi la signification de Rockall qui dans son étymologie veut dire « Rocher Hurlant », si je l’avais composé en français, je l’aurais probablement appelé Rocher Hurlant. Mais la personne que je suis aujourd’hui mettrait surement quelques claques à celui que j’étais à l’époque, l’auto apitoiement n’a pas était l’unique moteur évidement. La mélancolie peut être belle, mais la tristesse est une muse un peu trop facile à aborder.
Muzzart: Cet album est très électro mais mélange aussi de nombreuses sonorités qui le rendent très visuel et atmosphérique. Voulais-tu créer un univers particulier avec cet album?
Sacha: Oui, je voulais beaucoup de couleurs, beaucoup d’exagération. Je suis lié à l’art visuel en tant que peintre et graphiste, je visualise ma musique presque comme en synesthésie. J’ai fait le conservatoire pour étudier la composition électro-acoustique, mais aussi la mise en espace du son, et je me suis tout particulièrement penché sur le design sonore pour le cinéma d’horreur. Rockall est composé sur les bases de 5 couches, les basses, les synthés, les voix, les beats et le sound-design. J’avais envie de quelque chose de très compact mais aussi très riche et minéral. Comme je l’ai illustré sur la pochette, j’avais envie de faire apparaitre la nacre en frappant sur la roche. Pour le mixage je me suis pas mal concentré sur les sonorités aigües pour faire ressortir quelque chose de pointu et piquant, peut-être un peu fragmenté et transparent. Les voix devaient être transposées pour un octet à cordes, je n’ai même pas cherché à trouver les moyens de le faire puisque la matière ronde et douce des choeurs convenait tout à fait à l’ensemble et renvoyait à cette image romantique de sirènes ou de créatures marines.J’ai utilisé beaucoup d’instruments virtuels, des émulations de claviers analogiques que j’ai vraiment poussés à bout. Je le trouve beaucoup plus léger et optimiste dans son ensemble que je l’aurais imaginé.
Muzzart: Tu as mis en ligne un clip du titre « Sceptre & orb », peux-tu nous parler un peu de ce morceau et du clip?
Sacha: Sceptre & Orb est le morceau central de l’album, il parle au nom de Rockall, dans la vidéo comme dans le morceau, je voulais proposer une vision subjective. J’ai voulu donner de la voix au rocher, je voulais qu’il décrive comment il voyait ce qui l’entoure. Il y a beaucoup trop de peur de nos jours, beaucoup de larmes, c’est très exposé et mis en scène, donc dans la vidéo je voulais faire un peu l’inverse, montrer des sourires et de la danse, des plans sur des gens solitaires. La solitude c’est vraiment un sujet que j’aime, c’est devenu quelque chose de très rare, il y a certains pays comme les Pays Bas où il est presque impossible d’être seul, il n’y a plus de place, je trouve cette idée très claustrophobique.
Muzzart: Il y a sur ta page Youtube, une version différente du titre « No fears », chanté avec les mermaids. Qui sont ces mermaids?
Sacha: Les Mermaids ce sont 4 filles avec qui je travaille pour retranscrire les harmonies vocales de Rockall sur scène. Je bosse beaucoup sur les ensembles de voix depuis mes débuts dans la musique. Lorsque je suis revenu sur Bordeaux en 2014, j’avais monté un groupe similaire, mais avec une autre identité, plus théâtrale. Les Mermaids sont avant tout des amies, l’une d’entre elle Sunna Friðjóns vient de terminer l’enregistrement de son premier album avec l’aide de la chanteuse Soley. Nous avions enregistré quelques vidéos pour nourrir le financement participatif que j’avais ouvert chez Microcultures, c’était lors d’une tournée dans les fjords de l’ouest que nous avions faite en acoustique, juste nos voix. C’est une formule compliquée à faire voyager, mais j’aimerais pouvoir envisager de réunir la chorale Islandaise avec la Bordelaise un jour peut être!
Muzzart: Pour en revenir à Bordeaux: tu y as fait quelques dates il y a quelques semaines (Pip, Quartier Libre, Iboat) et y reviens bientôt pour jouer notamment en première partie de Perfume Genius à la Rock School Barbey. Comment s’est passé ce retour en terres bordelaise? y-a-t’il des lieux et groupes dont tu es resté proche?
Sacha: J’ai vécu 7 ans sur Bordeaux, j’ai gardé une famille de coeur là-bas évidement. J’ai recroisé Louis Garate avec qui j’avais tourné il y a longtemps, il y a ma grande amie Agnès du groupe Louise Weber, magnifique projet, à ne pas manquer, elle me bouleverse complètement. J’avais travaillé avec Quentin de Qlay et Jean de Chien Noir et A call at Nausicaa et ils me manquent, je suis très fan du boulot de Tulsa et bien entendu je suis toujours super heureux de voir Milos qui est un frère et un mentor pour moi, et comme beaucoup de musiciennes et musiciens sur Bordeaux je pense. Il y a aussi d’autres ex-bordelais qui font partie de mes proches, Florent Matéo et son nouveau projet VIRILE va probablement faire beaucoup parler de lui. Je suis heureux d’avoir l’opportunité de faire la première partie de Perfume Genius, c’est un artiste qui m’intrigue depuis son deuxième album, je l’ai vu sur la scène du festival Airwaves il y a deux ans, c’est très décadent, il arrive à faire oublier toute cette culture queer qui l’accompagne tout en l’imposant très fort, c’est transcendé, c’est un peu comme regarder le Rocky Horror Picture Show mais en version Lynch. Qui plus est, à présent je partage la scène avec un musicien extrêmement talentueux Benjamin Gibert, on ne pas rêver meilleur partenaire de tournée, on travaille ensemble depuis août dernier, et je ne peux plus compter le nombre de fou-rires qu’on a eus. Il m’offre beaucoup de liberté et d’inspiration. On aura peut-être deux choristes sur scène pour l’occasion, si nous arrivons à trouver le temps de faire quelques répétitions
Muzzart quizz
Muzzart: Quel est selon toi le meilleur endroit pour écouter de la musique?
Sacha: Dans un jardin, dehors mais doucement, pour que ça se fonde avec l’environnement, et fort (pas trop non plus) dans des clubs mais avec du très bon matériel.
Muzzart: Quel est ton dernier coup de coeur musical?
Sacha: J’en ai plein! Je viens de découvrir le groupe Troldhaugen (la mixate CRUMBS !!!), j’écoute pas mal « in my arms, many flowers » de Daniel Schmidt ou l’album de Chiemi Eri avec le Tokyo Cuban Boys, il y a aussi le groupe OM que je connaissais de loin mais qu’une amie m’a permis de vraiment découvrir, j’écoute énormément l’album ‘Advaitic Songs ». Et je redécouvre l’album « Get Disowned » d’Hop Along, le morceaux No good Al Joad me fait pleurer des torrents de larmes.
Muzzart: Dans quel(le) lieu/salle adorerais-tu jouer en live?
Sacha: Partout.
Merci à Sacha et Manon!
Muzzart: Pour en revenir à Bordeaux: tu y as fait quelques dates il y a quelques semaines (Pip, Quartier Libre, Iboat) et y reviens bientôt pour jouer notamment en première partie de Perfume Genius à la Rock School Barbey. Comment s’est passé ce retour en terres bordelaise? y-a-t’il des lieux et groupes dont tu es resté proche?
Sacha: J’ai vécu 7 ans sur Bordeaux, j’ai gardé une famille de coeur là-bas évidement. J’ai recroisé Louis Garate avec qui j’avais tourné il y a longtemps, il y a ma grande amie Agnès du groupe Louise Weber, magnifique projet, à ne pas manquer, elle me bouleverse complètement. J’avais travaillé avec Quentin de Qlay et Jean de Chien Noir et A call at Nausicaa et ils me manquent, je suis très fan du boulot de Tulsa et bien entendu je suis toujours super heureux de voir Milos qui est un frère et un mentor pour moi, et comme beaucoup de musiciennes et musiciens sur Bordeaux je pense. Il y a aussi d’autres ex-bordelais qui font partie de mes proches, Florent Matéo et son nouveau projet VIRILE va probablement faire beaucoup parler de lui. Je suis heureux d’avoir l’opportunité de faire la première partie de Perfume Genius, c’est un artiste qui m’intrigue depuis son deuxième album, je l’ai vu sur la scène du festival Airwaves il y a deux ans, c’est très décadent, il arrive à faire oublier toute cette culture queer qui l’accompagne tout en l’imposant très fort, c’est transcendé, c’est un peu comme regarder le Rocky Horror Picture Show mais en version Lynch. Qui plus est, à présent je partage la scène avec un musicien extrêmement talentueux Benjamin Gibert, on ne pas rêver meilleur partenaire de tournée, on travaille ensemble depuis août dernier, et je ne peux plus compter le nombre de fou-rires qu’on a eus. Il m’offre beaucoup de liberté et d’inspiration. On aura peut-être deux choristes sur scène pour l’occasion, si nous arrivons à trouver le temps de faire quelques répétitions
Muzzart quizz
Muzzart: Quel est selon toi le meilleur endroit pour écouter de la musique?
Sacha: Dans un jardin, dehors mais doucement, pour que ça se fonde avec l’environnement, et fort (pas trop non plus) dans des clubs mais avec du très bon matériel.
Muzzart: Quel est ton dernier coup de coeur musical?
Sacha: J’en ai plein! Je viens de découvrir le groupe Troldhaugen (la mixate CRUMBS !!!), j’écoute pas mal « in my arms, many flowers » de Daniel Schmidt ou l’album de Chiemi Eri avec le Tokyo Cuban Boys, il y a aussi le groupe OM que je connaissais de loin mais qu’une amie m’a permis de vraiment découvrir, j’écoute énormément l’album ‘Advaitic Songs ». Et je redécouvre l’album « Get Disowned » d’Hop Along, le morceaux No good Al Joad me fait pleurer des torrents de larmes.
Muzzart: Dans quel(le) lieu/salle adorerais-tu jouer en live?
Sacha: Partout.
Merci à Sacha et Manon!