Projet parallèle de Motorama, dans une version toutefois plus cold, plus aventureuse ou plutôt moins minimale, Utro sort chez Talitres son troisième album, sobrement intitulé Third album, ayant assez de matière cumulée entre 2015 et 2017. Le Russe est à l’usage dans le chant, le propos aussi court et marquant que dans le projet initial de la clique de Rostov sur le Don.
Ponctuations entêtantes de la basse (Forgive all), chant froid (I’m flying en ouverture, déjà excellent), vivacité des trames et étoffe synthétique de choix, sans surcharge bien évidemment, font bon ménage. La batterie s’en tient elle aussi au minimum et à l’arrivée, l’effet produit est maximum. Post-punk et cold-wave se télescopent, les huit titres de l’opus dameraient facilement le pion à une formation des late 70’s.
Mieux, on trouve là le parfait prolongement à Motorama, son parfait pendant « russisant ». I dreamt that I was sleeping voit la basse, élément prépondérant, pulser et jalonner un canevas cold captivant et agité, urgent, d’une autre époque et pourtant parfaitement ancré dans l’ère actuelle. Somewhere instaure une envolée de claviers légère, Something is going wrong rappelle le meilleur de Joy Division. C’est dire la valeur de l’essai, dont la seul défaut, si on peut employer ce mot, serait de n’inclure que huit morceaux. Ce qui n’empêche guère de s’envoyer, avec une froide délectation, les délires rythmiques de Such eyes, de s’empiffrer de la couleur grise imposée aux chansons de ce Third album accompli. Not good, prétend le septième et avant dernier titre; que nenni, tout est bon à prendre chez Utro. Ledit titre permet d’ailleurs de profiter d’un déroulé à la fois cosmique et sonique, avant que Tsar, dans la même frénésie glacée déviante et passionnante, livre à son tour et en conclusion des sons addictifs. A l’image, d’ailleurs, de l’intégralité du disque.