Label décalé basé à Saleux, près d’Amiens (80), La Maison promeut des artistes tout autant en marge, telle Eleanor Shine qui s’appuie sur un violon et une voix pour créer un univers bien à elle. Sur les huit titres de son opus énonyme, elle malaxe classique, chanson et élans bruitistes avec maestria, expérimente et se montre aussi classieuse que furieuse.
Elle a la bonne idée d’inclure du chant dans ses compositions « violonisées » (Jamais deux sans trois), d’abîmer très joliment sa classe vocale, qu’illustre bien l’introductif Paille, quand son instrument se fait mordant. On passe ainsi de plages déliées à des embardées qui dérapent (The sun and you). La dame est belle mais ne fait pas toujours dans la dentelle, on s’en réjouira. Elle fait partie de ces créateur qu’il faut « aller chercher », dont la démarche fuit les formats trop tracés. Ludique, aventureuse, on la suivra ou on la fuira car le procédé est, parfois, exigeant.
Il n’empêche, l’ouvrage, s’il demande du courage, vaut le détour. Fenêtre en larmes allie beauté et déchirement, il y a du PJ Harvey dans ces incrustes crues qui succèdent à un chant distingué. Un habillage électro ombrageux entoure Immersion et au fil des écoutes, on s’imprègne d’un territoire musical personnel de bout en bout. Si elle chemine sans mors, Eleanor ne perd pas le nord. Comme le suggère ledit Immersion, on ne peut l’écouter de façon détachée. Elle dépayse à sa guise (Quelque part ailleurs), joue sur les sonorités, s’amuse, dévie, balance des sons qui lézardent son labeur (Territoire). Sourires vient alors clôturer un album à part, dans une quiétude contagieuse dont on apprécie, toutefois, qu’elle se pare régulièrement de sautes d’humeur plus que bienvenues.