Projet expérimental formé à l’origine par Frédéric D.Oberland et Stéphane Pigneul, Oiseaux-Tempête clôt avec ce somptueux Al-‘An! une trilogie autour de la Méditerranée. Si ses deux opus précédents honoraient la Grèce (S/T, sorti en 2013) puis Istanbul et la Sicile (ÜTOPIYA, 2015), c’est cette fois Beyrouth, et des musiciens locaux, qui va influencer l’ouvrage des deux investigateurs. Sachant qu’une partie de l’album a, elle, été enregistrée en France avec…Mondkopf et le désormais inratable G.W. Sok de The Ex.
En toute logique et de manière délectable, Le Liban permet à Oiseaux-Tempête de débuter le travail par une longue pièce troublée, free et dépaysante (l’enchaînement Notes from the Mediterranean sea/Bab sharqi), et la coloration locale est perceptible dès Feu aux frontières, à la fois pur, souillé et incantatoire. L’unité est déjà plantée, le cheminement expérimental de mise et le rendu constitue un véritable voyage. Le chaos du pays est parfaitement rendu par des morceaux comme Baalshamin, qui propose aussi quelques traits de lumière tels une prise à l’espoir. L’album captive, il s’appuie sur le chant de I don’t know what or why (Mish Aaref Eish w Leish), ses dissonances, pour continuer à se sublimer dans la tourmente. Electrique résistance joue un blues torturé, place une voix narrative remarquable. C’est encore un grand cru, qui bien entendu ne se livre pas de suite, loin s’en faut, que les parisiens nous ont réservé. L’aléas sonore merveilleux est le fil conducteur du disque, fourni et exigeant, qui se vit ou s’écoutant ou s’écoute en se vivant, c’est selon. The offering illustre joliment l’orientation d’Oiseaux-Tempête, instinctive, maîtrisée cependant, magistralement bruitiste et zébré d’interventions chantées « de là-bas ».
Les formats, de plus, sont la plupart du temps courts. Ya layl, ya 3aynaki (O nuit, O tes yeux) revient à une certaine sérénité, jamais tranquille néanmoins. On perçoit les soubresauts d’un Mondkopf sur l’excellentissime Carnaval, qui dérape et se déploie lentement, puis l’étendu Through the speech of stars alterne fracas sonique et plages apaisées avec brio.
Enfin, A l’aube sonne en quelque sorte la fin des hostilités, dans un climat lui aussi « Mondkopfien », répétitif et faussement tranquillisé. Oiseaux-Tempête venant de signer, comme à la parade et sans jamais céder à la facilité et encore moins à la normalité, un album de haute volée.