1. Vous êtes déjà, de par votre appellation, intrigants. Pourquoi ce nom?
OWUN est l’acronyme d’une citation. S’il y a une signification, elle est cachée. Nous laissons toute liberté à l’auditeur de faire sa propre interprétation.
2. Vos sorties discographiques sont éparses, à quoi ceci est-il du? Est-ce le signe d’une certaine exigence vis à vis de vous-mêmes?
OWUN a connu plusieurs évolutions. De 1993 à 2000 environ le groupe était constitué de 5 musiciens et a produit deux albums en 1996 et 1998. En 2001 le départ de deux musiciens a marqué le début d’une période d’activité réduite pour le groupe. Les trois membres restants ont alors produit Ostensible?, un album plus expérimental.
Ce n’est qu’en 2007 qu’OWUN s’est remis au travail en quatuor, ce qui a amené la sortie du quatrième album, Le fantôme de Gustav, en 2011. De nouveau en trio depuis 2012, nous avons alors connu plusieurs problèmes matériels (inondations, pas de local de répétition décent…). Par ailleurs, nous composons beaucoup sur des bases improvisées et nous ne conservons que peu de choses de tout ce que nous jouons.
Notre exigence intervient déjà dans ce choix sélectif de morceaux qui doivent à la fois nous plaire et s’inscrire dans un ensemble cohérent. De plus, certains morceaux créés sur des bases plus composées, comme Tom tombe, ont effectivement demandé plus de travail et d’exigence et ont connu de nombreuses modifications -et perfectionnements- depuis leur première version.
On peut donc dire qu’il y a une forme de perfectionnisme dans notre pratique mais que les contingences matérielles jouent également un rôle. Les conditions matérielles étant maintenant présentes et un certain « stock » de sons étant déjà existant, nous avons bon espoir de pouvoir sortir de nouveaux albums plus rapidement !
3. Owun semble prendre un malin plaisir à brouiller les pistes stylistiques, à demeurer inclassable. Doit-on y voir un signe distinctif, le souci de ne pas faire dans le « normé « ?
Nous aimons explorer des univers musicaux différents sans se limiter à un style précis. En fait, dans un premier temps ce n’est pas vraiment un choix, nous jouons, le plus librement possible et on voit ce qu’il en sort. C’est dans un second temps, au moment de concevoir un album ou un set live, que nous faisons le choix d’une variété d’ambiances plutôt que de rester sur une seule thématique, le choix de déstabiliser, surprendre, brouiller effectivement les pistes de l’auditeur.
Cela provient notamment de nos influences variées allant de la Cold Wave au Math Métal en passant par la zeuhl, la No-wave ou encore la musique sériel…
Notre pratique se rapproche d’une forme d’association libre musicale. Tous ces éléments, influences, méthodes de travail et également, l’ancienneté de notre collaboration (25 ans) font que notre production musicale est probablement de plus en plus difficile à catégoriser et de plus en plus marquée et reconnaissable.
4. Vous avez fricoté avec la scène noise et indé française, particulièrement fournie. Que tirez-vous de cette expérience?
Enormément de bons souvenirs, des rencontres stimulantes et enrichissantes. Ça nous a offert la possibilité d’une remise en question, lorsque nous avons donné nos premiers concerts avec des groupes importants de la scène noise au milieu des années 90, notre musique était encore inaboutie. Nous avons alors pris conscience des faiblesses du groupe et avons commencé à travailler plus sérieusement certains aspects.
5. J’ai trouvé »2.5″ obsédant de par la réitération de ses climats; comment avez-vous conçu l’album, ce procédé de répétition était-il d’emblée intentionnel?
Les climats qui reviennent sont sans doute les reflets de nos obsessions. Ça se traduit sur cet album par une utilisation marquée de samples et de boucles. La répétition des climats n’est pas intentionnelle. Ce qui apparaît comme une intention relève plutôt d’un phénomène émergent que réellement sous contrôle.
Cet album comporte beaucoup plus de morceaux composés que l’opus précédent (Le fantôme de Gustav) qui avait été conçu entièrement à partir d’improvisations.
Certains titres sont des impros captées dans notre salle de répétition (All of us, Araignée..) mais quasi tous les morceaux de cet album sont joués ou peuvent être joués en live contrairement aux titres du Fantôme de Gustav.
Avec 2,5, nous sommes revenus à une construction plus classique, ce long travail d’affinage des morceaux aussi bien dans leur construction que dans leurs thèmes peut expliquer cette réitération des climats..
6. N’est-il pas difficile, en pratiquant ce type de musique éloignée des conventions, de percer et de se faire connaître et reconnaître?
Oui, c’est difficile. Depuis le début du groupe nous avons bien constaté que le fait de ne pas appartenir à une « scène » précise était un handicap en terme de notoriété et de reconnaissance. Nous n’étions alors pas vraiment noise, pas vraiment hardcore mais pas vraiment 80 non plus, mais un mélange de tous ces styles.
Encore aujourd’hui notre musique est trop bruyante, étrange ou expérimentale pour certains et à l’inverse trop pop pour d’autres. Bref, notre éclectisme est le plus souvent une entrave sur un plan purement commercial. Cependant, il nous permet aussi de tisser des liens très forts avec certains auditeurs, certaines structures qui apprécient cette forme de liberté. Le label grenoblois [reafforests] avec lequel nous travaillons depuis quelques années en est un bon exemple.
Si nous avions dû faire des concessions sur le fond pour faciliter notre percée ou notre reconnaissance, ce serait fait depuis longtemps. OWUN est et restera un projet sans limites stylistiques, nous souhaitons que notre musique rencontre un maximum de gens susceptibles de l’apprécier, mais nous ne voulons pas nous plier contre notre gré aux conventions afin d’atteindre cet objectif.