Superbe rencontre, superbe histoire, lives hallucinants, superbe(s) album(s) et ce troisième, dont le mix n’était pas terminé lorsque Slow Joe s’éteignit, est très certainement le plus beau, le plus intense. Le ressortissant de Goa y chante superbement, il paraît même s’y bonifier, à l’image de certains breuvages, avec l’âge.
En outre, ses acolytes lyonnais lui concoctent de superbes écrins, vivaces et reptiliens (l’excellentissime Swing your love, après une amorce tenant en un chant traditionnel en konkani, la langue de Goa), envoûtants et psyché (Temple mosque church, dopé à l’orgue, superbe), dans lesquels sa voix racée/éraillée se love à merveille. My sway swingue sous l’impulsion de l’orgue, encore, et allie trame jazzy enfumée, choeurs en relief, classe vocale émanant d’un personnage popularisé, dans la ville lyonnaise où il avait élu domicile, jusqu’à voir son visage gravé sur la façade de la mairie du premier arrondissement.
Ici, c’est l’émotion qu’il grave en nous, son élégance dégingandée, sa parfaite symbiose avec Cédric de la Chapelle et le Ginger Accident. La splendeur d’I was a stooge, écrit en l’honneur des marginaux dont il allait se revendiquer jusqu’à son dernier souffle, est ébouriffante, sauvage, racée. Puis on trouve, sur Candy sparkles, des inflexions dépaysantes qui semblent faire ressurgir le souvenir du pays dont le bonhomme est issu. Sur le plan musical, Let me be gone est une perle aussi peaufinée qu’énergique, sans caste précise. Elle porte la marque, avant toute chose, d’une union unique et porteuse. Black moon, tribal, subtil et rugueux, se pose alors en énième merveille sonore, elle aussi synonyme de voyage. Slow Joe s’est éteint mais ici, il vit, il n’a même jamais été aussi présent et flamboyant. Grondant, incantatoire, velouté, il fait feu de mille timbres. Good damn the pusherman, au blues rude et menaçant serti de sons malins et de cuivres captivants, le voit encore une fois briller.
Enfin, She makes love like crazy, virevoltant, au groove qui ondule, et le terminal Silent waves qui fait retomber l’intensité pour laisser place à la voix feutrée de Slow Joe et un climat faussement délié, achèvent de faire de ce disque un ouragan stylé et pétri de classe, à l’image d’un homme de la rue bourré de talent et de générosité.