interview: Joseffeen
photos: Satiti
Le 9 décembre 2016, quelques heures avant son concert au Krakatoa de Mérignac, nous avons rencontré Romain Humeau pour discuter avec lui de son nouvel album Mousquetaire #1 ainsi que de ses projets en cours.
Muzzart: Comment s’est passé l’enregistrement de Mousquetaire?
Romain: Il a été enregistré dans mon studio, le studio des Romanos, qui existe depuis maintenant 10 ans. Il existe depuis plus longtemps que ça en fait. Au départ, il était itinérant. Nous avons gardé le nom mais nous nous sommes posés à Bordeaux avec Estelle et nous y enregistrons mes albums et ceux d’Eiffel. Et quand j’enregistre avec d’autres gens, comme je l’ai fait avec Bernard Lavilliers ou Gaétan Roussel, j’enregistre à la maison.
Muzzart: Oui, j’ai vu que tu as collaboré avec Bernard Lavilliers. C’était sur son album de 2014, c’est bien ça?
Romain: Oui, j’ai réalisé 7 titres de son album de 2014. J’avais aussi écrit quelques musiques. J’ai également réalisé l’album qui a suivi qui est un album de reprises de certains de ses titres en version acoustique et, actuellement, je travaille à nouveau avec lui sur son prochain album. On se connaît depuis très longtemps. Il m’avait prêté sa maison quand je travaillais sur mon premier album solo. C’est quand nous avons travaillé sur son album Baron Samedi de 2014 que nous sommes vraiment devenus très amis. Il a récemment passé une semaine à la maison, il y a une dizaine de jours, et nous avons enregistré des trucs pour son prochain album. Je ne suis pas le seul à travailler dessus. Je travaille sur 4 chansons.
Muzzart: Et cela te plaît de réaliser pour d’autres comme ça?
Romain: J’adore! Je ne suis pas vraiment réalisateur, enfin si, pour Eiffel, et j’écris surtout pour moi étant donné que ce qui me plaît à la base, c’est de chanter mes chansons. Je suis la plupart du temps à mon propre service et les gens avec lesquels je travaille, travaillent sur mes morceaux, alors cela me fait beaucoup de bien de me mettre au service de quelqu’un mais il faut que ce soit quelqu’un dont j’aime la musique, dont j’aime le propos et la poésie, avec qui je m’entends bien humainement aussi et c’est le cas avec Bernard. C’est une relation très étonnante en fait. C’est quelqu’un que j’ai appris à mieux connaitre ainsi que sa poésie, son écriture, sa prosodie. Bernard a une écriture très précise et son grand truc, c’est de savoir dire des choses parfois très dures mais avec une voix de chat et ça a beaucoup de classe. C’est vraiment quelqu’un que j’adore.
Muzzart: Dans quel ordre se sont faits tes derniers projets entre Mousquetaire, ton album Vendredi et les limbes du Pacifique et ta collaboration avec Lavilliers?
Romain: Quand nous sommes partis en tournée avec Eiffel en 2012 sur l’album Foule Monstre, j’ai commencé à écrire des morceaux qui me semblaient plus appropriés à un album solo. J’ai commencé à l’enregistrer et j’ai choisi le titre de Mousquetaire pour l’album. C’est à ce moment-là que Bernard m’a contacté pour Baron Samedi alors je me suis arrêté 5 ou 6 mois pour travailler avec lui. Je devais travailler sur 2 morceaux avec lui mais comme ça lui a bien plu, j’ai fini par en réaliser 7. Comme je ne peux pas m’en empêcher, en parallèle, je continuais à grattouiller et à la place d’avoir 12 chansons pour mon album, j’en avais de plus en plus. J’ai fini son album, je me suis remis sur Mousquetaire et c’est là qu’Alexandre Plank de France Culture m’a appelé pour me proposer d’adapter musicalement l’oeuvre littéraire de mon choix. J’ai donc choisi Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier et ça a pris 5 ou 6 mois de plus. Quand j’ai repris Mousquetaire, j’avais une vingtaine de morceaux mais n’ai pas eu le temps de terminer car Bernard m’a contacté pour me demander de réaliser son album acoustique alors j’ai à nouveau repoussé. Quand j’ai fini par me replonger dans Mousquetaire, j’avais une trentaine de morceaux, autrement dit deux albums entiers!
Muzzart:Tu le sors du coup en deux parties. Sais-tu quand sortira le deuxième volet de Mousquetaire?
Romain: Oui, il sortira dans quelques mois! Il sera, peut être, un peu moins doux et planant que le premier. Mais ce n’est pas très important pour moi de le classer dans un style en particulier.
Muzzart: D’ailleurs, quand tu parles de tes influences, tu donnes des noms et des styles très variés…
Romain: Oui car j’écoute de la musique africaine, du hip hop, de la grande variété française et de la musique classique tout comme du trash métal. L’important, c’est de créer quelque chose de nouveau, des textes qu’on n’a jamais entendus, une musique qui donne une vision étonnante du monde. Parmi les groupes qui m’ont surpris, il y a le groupe suédois Little Dragon par exemple. La musique, on ne la fait pas seul. Moi, j’en fais parce qu’il y a eu Gesualto, Monteverdi, Thelonious Monk, John Lennon ou Damon Albarn. Chacun d’eux a tout pris à quelqu’un d’autre et c’est ce que je fais aussi.
Muzzart: Pour en revenir à Mousquetaire #1, j’aimerais que tu me parles de 2 titres que j’aime particulièrement: tout d’abord « Amour », le premier single.
Romain: J’ai un peu dévié par la suite mais, au départ, je voulais mettre en exergue, de façon subliminale, la différence entre l’amour et la passion. L’amour étant l’idée de donner et de ne pas se regarder à travers l’autre, quelque chose qui serait presque à sens unique alors que la passion serait plus un miroir, quelque chose plus pour les narcissiques. On peut y mettre cependant l’idée de la compassion dedans, l’idée de « souffrir avec ». J’essayais de parler de ça et ça s’est transformé d’une certaine façon un peu en chanson de guerre. Ensuite, je ne sais pas si les gens l’ont entendu mais j’aime bien les serpents médiévaux, c’est à dire avoir un non sens dans le verbe et c’est le cas dans le refrain: « Dis moi, quel est ton nom, quel est ton nom, Toi qui nous sais tous aveugles et sourds« . Une question est posée dont il n’est pas possible d’avoir la réponse. C’est un peu ce qui arrive au personnage décédé du film Le Locataire de Polanski, un peu comme dans Théophile Gautier, l’étrange, le fantastique et le merveilleux. C’est une façon de dire que le réservoir amour est quelque chose de total et inépuisable mais pas forcément uniquement dans le romantisme. Cela peut aussi être lié à quelque chose de très dur. Ensuite, d’un point de vue d’une résonance plus géopolitique, « Ames liées, soeurs et frères, jours de liesse, jours de terreur« , je pense que cela peut résonner aux oreilles des gens avec tout ce à quoi on a droit aujourd’hui dans le monde et même dans notre pays.
Muzzart: J’aimerais ensuite que tu me parles d’un de tes titres en anglais qui me plaît beaucoup: « Futures ».
Romain: Merci, c’est une de mes préférées! Moi qui suis assez complexé de chanter en anglais parce que je n’ai pas un accent de dingue, j’aime le faire quand même car c’est ma culture aussi. J’ai grandi avec une culture de musique baroque vu que mon père est facteur de clavecins et que ma mère est flûtiste et j’aime beaucoup la musique du 17ème et 18ème, française, flamande, italienne et anglaise mais j’aime aussi beaucoup le jazz et le blues et, dans la chanson, il y a deux choses très importantes pour moi: tout d’abord la vieille chanson française comme Edith Piaf, Brel, Ferret et Brassens ou Vian, ce sont mes monstres sacrés. Jacques Higelin est une grande influence pour moi aussi. Et parallèlement à ça, il y a aussi pour moi le rock’n’roll qui n’a jamais été français mais est lié aux Beatles et à tous ces gens comme les Kinks et Ray Davies, les Beach Boys, Iggy Pop, David Bowie, Blur, Gorillaz, Damon Albarn ou Suede et les Pixies par exemple. Moi qui suis né dans le Sud Est et me suis installé ensuite à Bordeaux, j’adore ce truc du nord avec le « smog » (ndlr: brouillard des villes), des murs en briques rouges pour la poésie que ça engendre sur des morceaux de 2 ou 3 minutes. Parfois en 2 ou 3 minutes, tu peux dire toute la poésie de choses aussi longues que Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Je suis un amoureux fou de l’album de Blur intitulé Think Tank et d’une chanson qui s’appelle « Out of Time ». L’harmonie modale, en 2 accords donc, de « Futures » est une harmonie inversée de « Out of Time ». J’adore Damon Albarn et adorerait le rencontrer. « Futures » est aussi influencée par le titre « Glass Onion » qui figure sur l’album blanc des Beatles et par les Kinks aussi. C’est un peu les poupées russes ce morceau (rires). J’ai essayé de le rendre le plus original possible avec de la guitare africaine et des trafics de voix. il y a tout ça derrière ce morceau-là.
Muzzart: Et maintenant, as-tu d’autres projets?
Romain: Je vais me concentrer sur mon projet solo et sur Eiffel. Je crois que, d’une certaine manière, mon travail en solo permet à Eiffel de plus se sentir comme un groupe de rock comme on a toujours voulu l’être. On s’est formé au moment ou Supergrass sortait I Shoot Coco. Je pense qu’on va revenir vers ce genre de sons-là. pas comme Supergrass évidemment mais avec un peu cette folie-là peut-être, très baston mais fun! On a souvent été pris comme un groupe avec une conscience, un aspect citoyen. Je ne regrette pas du tout d’avoir chanté « A tout moment la rue » mais ce n’est pas la vocation d’Eiffel de livrer des messages. « A tout moment la rue », c’est un constat en fait. On parle du groupe comme un groupe engagé. Notre engagement, c’est celui de sortir des morceaux. Lennon disait que lorsqu’il écrivait des chansons d’amour dans sa piaule, accroupi, c’était déjà un engagement et je suis d’accord avec ça.
Muzzart: Ce soir, tu joues au Krakatoa. C’est un peu la maison, non?
Romain: Tout à fait! Pas parce qu’on est à Bordeaux. Mais parce que c’est familial et que Didier, sa femme Lili, et toute son équipe nous filent un coup de main depuis le début. On a fait des résidences ici par exemple. On a une chance inouïe de pouvoir faire ça alors même avec la crève que j’ai, je vais m’éclater ici ce soir!
Muzzart quizz:
Muzzart: Quel est le membre des Beatles que tu préfères?
Romain: Alors, il a un nom un peu long, c’est Lennon McCartney (rires). Mais j’aime bien Harrison Ringo aussi. (rires) Je les aime tous les Beatles! Même leur batteur est énorme!
Muzzart: Quel est le meilleur endroit pour écouter de la musique?
Romain: J’aime beaucoup être tout seul, au casque et en écoutant pas fort dans un endroit temporel où il n’y a rien devant, où tu ne te dis pas: « dans une heure, il va falloir faire ci » et c’est de plus en plus rare. Tu prends du temps pour ça et quand on est musicien, c’est important de ne pas oublier d’écouter les autres.
Muzzart: Quel est ton dernier coup de coeur musical?
Romain: Je dirais Feu! Chatterton. Il y a beaucoup de groupes français que j’aime bien et qui chantent en anglais comme The Do, Jeanne Added ou Stuck In The Sound mais, parmi ceux qui chantent en français, j’adore vraiment Feu! Chatterton. Il y a une belle écriture. Ils jouent tous très bien ensemble. C’est très original et j’aime le panache dans l’attitude. C’est une attitude que je ne connaissais pas, c’est nouveau. Et j’aime aussi certaines phrases décalées des textes d’Arthur, le chanteur, comme « Poussent des palmiers, que les crocodiles accostent« .
Muzzart: Quel est le tout premier disque que tu as acheté?
Romain: Mon tout premier 45 tours, je ne me souviens plus du nom du groupe, c’est le morceau dont le refrain fait « Last night a DJ saved my life from a broken heart« . La pochette était noire avec dessus un mec barbu et des filles en porte jarretelles. C’était énorme! Et je l’ai encore! (rires)
(ndlr: il s’agit du groupe In Deep.)
site officiel de Romain Humeau.
Merci à Romain Humeau et au Krakatoa!
(Alice, Léa et Eugène)
Muzzart: Quel est le tout premier disque que tu as acheté?
Romain: Mon tout premier 45 tours, je ne me souviens plus du nom du groupe, c’est le morceau dont le refrain fait « Last night a DJ saved my life from a broken heart« . La pochette était noire avec dessus un mec barbu et des filles en porte jarretelles. C’était énorme! Et je l’ai encore! (rires)
(ndlr: il s’agit du groupe In Deep.)
site officiel de Romain Humeau.
Merci à Romain Humeau et au Krakatoa!
(Alice, Léa et Eugène)