A l’Eglise de la petite folie, on aime l’expérimental, l’aventureux, le vrai aussi, quitte à opter pour le « home made ». Après Le centre du monde, le label breton nous gratifie d’une nouvelle sortie de choix, inédite puisqu’elle unit Manu Lann Huel, figure de la scène régionale des 70’s et 80’s, interprète entre autres de Ferré, et trois autres personnalités; l’auteur pluriel Arnaud le Gouëfflec, le musicien John Trap et le guitariste Olivier Polard.
Regroupés, donc, le temps de sessions expérimentales, ces gens décident à l’arrivée de sortir un album, ce Un rien de temps à la fois poétique et fulgurant, lettré, climatique et porté par les heurts inhérents au quotidien. Les récits de vie de Lann Huel se frottent donc aux trames concoctées par ses collègues de « jeu », et du procédé résulte un album phénoménal, tendu, taillé autant dans un rock bourru (Un rien de temps) que dans de longues enveloppes sonores obscures et troublées (J’en suis venu aux mains). Le mot du poète-barde est éloquent à souhait, aiguisé par l’expérience du bonhomme. La symbiose est évidente, le rendu distant de toute attitude rangée. Un rien de temps est un disque précieux, à l’image de la structure qui le sort. Le front de mer respire la quiétude, mêlée de tourment, son ornement est minimal mais magnifique, sa cadence discrète mais porteuse.
Un rien de temps, disent-ils; on passera pourtant un certain temps à disséquer les richesses d’un album singulier. Chasse-moi fait partie de ces morceaux à l’arrière-plan tendu, menaçant, superbe, aussi, dans ses sons. Il y a là une répétition qui obsède, en plus du poids de mots posés sur les maux. Des fulgurances aussi, brèves mais décisives, qui donnent du poids aux atmosphères créées. Le pire n’est jamais certain se dévêtit pour mettre les textes, magnifiques, en évidence. L’instrumentation guette, bridée, parfois débridée, ajustée.
En fin de parcours, Vie de Manchec impose un chant rageur et racé, souligné par des atours sonores encore une fois resplendissants, changeants, assortis d’un final rythmé et griffu, en conclusion d’une collection de morceaux qu’on vit autant qu’on les écoute.