Déjà excellent avec Bang! (2015), Centre du Monde, soit le brestois Joseph Bertrand, récidive avec ce Le renégat non moins bon et personnel, écrit….dans une période de dépression et sous alcool, à Verdun. Dans une réédition judicieuse puisque l’opus fut conçu, à la base, entre octobre 2011 et février 2012.
Pour le coup, il faut croire que l’addiction est porteuse puisque l’artiste signe là un disque d’une troublante beauté, lo-fi sans artifices, authentique, on s’en doutera, jusque dans ses moindres recoins. Désenchantement sentimental, textes simples mais qui remuent l’âme, alliage chant-guitare, nul besoin d’en faire des tonnes pour émouvoir, pour mettre de la vie là où la mort a failli prendre place. Dans ce désabus, il y a de la vigueur, une touche presque optimiste et d’impeccables ritournelles, sincères et attachantes. En les dotant de sonorités qu’on remarque (La nuit me tombe des mains), en les dénudant, le Breton s’en tient à l’essentiel et ça lui réussit parfaitement.
D’un quotidien difficile, il fait ici un atout, y puise une inspiration constante et une belle unité. On pense à un Swell fait du même bois, sans le côté rude mais avec une pureté saisissante. L’Amour est un thème inépuisable (Dans la cage de tes beaux yeux chronophages)et si, avec certains, il trouve une traduction pitoyable, avec Centre du Monde il permet un rendu de haute volée. La guitare est vivante, expressive, soulignée par un rythme discret mais bien installé (le magnifique Sur un air de nuque brisée). L’alcool, la clope et le moisi obscurcit le tableau, underground, poignant de vérité, avec classe. Puis l’éponyme Le renégat finit le boulot en se déparant…de toute parure -ou presque-, avec ce « vrai » qui préside à l’oeuvre en présence et en fait un must, basé sur un mal-être assurément porteur.