Depuis 20 ans, les Australiens de The Drones perpétuent un groove poisseux à la Nick Cave, illustre compatriote dont la perverse distinction hante ce Feelin kinda free, nouvel album aux huit morceaux déviants.
Qualifié de heavy-blues, le groupe mené par Gareth Liddiard dépasse largement ce cadre, se fait lancinant sans y perdre en tension retenue (To think that I once loved you), balafre ses chansons de grattes lourdes. A partir d’un Private execution sulfureux, bluesy torturé au mid-tempo saisissant, il laisse son empreinte, habité. Lyrique dans ses écarts, il frappe juste et enchaîne avec Taman shud, leste et asséné. Un essai qui groove sous l’effet de la rythmique et dégage une pulsion funky irrésistible, confirmant les bonnes dispositions du quintet de Melbourne. The they came for me est lui spatial, vicié; The Drones est doté d’un univers qu’on lui reconnaîtra et qui fait la sève de l’opus.
Plus loin, Tailwind offre une entrée en matière psyché puis une trame au chants couplés, poppy-electro aux sons distordus du plus bel effet. La qualité est au rendez-vous Ensuite, une sorte de hip-hop virevoltant, dopé aux sons fous et à l’énergie « maison », anime Boredom. Feelin kinda free est varié, il fait parler son intitulé. Sometimes, apaisé, met en avant la voix féminine, sucrée, mais ne se dépare pas d’une certaine fantaisie sonore et d’une versatilité rythmique elle aussi estimable. L’album est de ceux dont on s’imprègne, qu’il faut un minimum aller chercher, et qui finalement s’imposent durablement.
Il prend fin sur un Shutdown SETI bluesy où Liddiard s’illustre à nouveau avec son chant singulier, en appui d’un canevas à la fois avenant et doté de chemins de traverse, d’excès soniques, aussi, qui frappent juste. On pense, aussi, à Deus pour la kyrielle de sonorités déployée et la propension à changer de trajectoire en demeurant cohérent. Pour un résultat notable de bout en bout, qu’une seule écoute ne peut suffire à « dompter ».