Originaire de Brighton et Amsterdam, Fumaça Preta est allé enregistrer ce deuxième album, Impuros fanaticos, dans trois endroits différents; une usine abandonnée au beau milieu du désert espagnol, entre Brésil et Venezuela lors d’une nuit de rituel vaudou puis dans une base désaffectée de République Tchèque.
En résulte, en toute logique, un rendu barré, qui mêle avec génie des tendances telles que psychédélisme, free jazz, tambouille vaudou, fado, métal lourd et autres colorations diverses. Le tout avec le brio et l’inventivité d’un Mr Bungle, c’est dire l’excellence de la copie proposée. En trio ayant dépassé les conflits, mené par Alex Figueira qui reprend le chant et y inclut l’Espagnol, Fumaça Preta expérimente à tout-va, balourde du sulfureux-tribal dépaysant dès l’amorce de l’éponyme Impuros fanaticos, première torpille indéfinissable que la voix singulière du leader renforce. Entre légèreté et éléments tordus, climat inquiétant et explosions soniques soudaines, on est, déjà, transporté. On sent l’influence des lieux investis, la force d’une répétition délibérée des mots et ambiances. Baldonero, qui suit, mariant jazz libre et riffs métal, le tout dans une « tribalité » qui sied à merveille aux trois intervenants et de façon leste, assénée, en joli contrepoint à un rythme parfois plus guilleret impulsé par les percus.
On trouve dans ce Impuros fanaticos de la créativité à tous les étages, un refus délibéré de se montrer normal, et le procédé fait le plus grand bien. Decimo andar et ses notes d’orgue vrillées, sa voix singulière (Figueira, véritable caméléon vocal, impressionne dans ce domaine), ses riffs lourdauds mais jamais lourds, crédite à son tour l’ensemble. Celui-ci demande un effort d’assimilation, se réserve aux initiés et fera fuir, c’est une bonne chose, ceux qui vont chercher leur culture dans l’écran télévisuel. Huit titres suffisent à captiver l’auditeur, Morrer de amor se fait plus…fado, magnifique, et étire l’éventail sonore et musical du groupe. Ressaca da gloria riffe dur, fait copuler métal et approche plus « folklo », dans une folie créatrice décisive. La trampa voit moog et guitares se livrer bataille avec bonheur, le rythme s’affoler. On est là dans des territoires encore rarement explorés, Migajas pose le jeu et prend des atours célestes, brumeux, avec le feutré d’un jazz de style. Puis il se métallise, en mode 70’s, avant de retomber dans un climat serein. Bien vu, bien amené, personnel, l’univers du groupe trouve son apogée sur le conclusif Serpenta. Un essai psyché entre force et finesse, zébré de riffs qui tranchent, en final à un disque de très haut niveau, intègre et transcendant.