Ancré dans l’actualité, dans son actualité aussi, dans son histoire à l’occasion de ce Ici et là-bas qu’il conçoit pour le coup avec un nouvel acolyte batteur, Julien Rufié, Michel Cloup élargit son spectre musical, insuffle des tempos plus appuyés, un chant plus présent et, ce faisant, signe un opus magistral.
Dès Qui je suis et la réitération de ses propos introspectifs, politiques et personnels, la patte Cloup est posée. On démarre de façon sous-tendue, faussement sereine, mélodieuse mais menaçante, aussi, de par ces fabuleuses guitares que souligne la frappe saccadée de Rufié. Celle-ci contribue ensuite à la rudesse de La classe ouvrière s’est enfuie, sec et rythmé, obsédant de par son refrain répété, éloquent de par son texte. On remarque la brièveté des morceaux, efficients, à la fois plus rock et plus étoffés que par le passé. Le groove rude, presque funky, de l’éponyme Ici et là-bas précède Deux minutes vingt-cinq, magnifique, apaisé, et ajoute à l’impact d’un album diversifié. Le toulousain a de toute évidence trouvé un nouvel élan, tant par le biais de la contribution de son « cogneur » qu’à travers la mise en lien de son propre cheminement avec l’actualité sociale et politique.
La force des chansons force le respect (Nous qui n’arrivons plus à dire nous et ses riffs durs), la justesse des constats tout autant. Animal blessé apporte un rendu plus leste et tout aussi marquant, brut et finaud. Les textes sont à décortiquer, dans ce domaine aussi Michel Cloup possède une approche unique, lucide, désabusée, poétique et ironique. Les griffures de son instrument sonnent comme une revanche contre ce monde qu’il désapprouve et au delà de ça, Ici et là-bas résonne comme un exutoire, accompli, captivant, aux maux subis. Sur D32W, le discours narratif, évocateur, s’impose à nouveau, couplé à une instrumentation subtile, presque post-rock, enchanteresse et, en sa fin, grondante. Séparer use de cette même beauté dans l’ornement, sobre, et fait preuve d’une acuité socio-politique superbement exprimée. Les brusques excès qui le traversent, sa fin fracassée expriment la colère, donnent du cachet et du caractère à une oeuvre de haut niveau dont la matière, loin s’en faut, n’est pas que musicale. Nouveau en ville fait dans une retenue qui laisse présager l’explosion, la batterie s’intensifie à mi-chemin du morceau et arrive ensuite le tonnerre musical, jouissif, racé, qui sert d’écrin à la diction d’un leader affichant fièrement ses origines.
C’est alors que se présentent les deux formats étendus de l’album:Etranger, aux textes splendides, émouvants, qui une fois de plus vont de pair avec une instrumentation rude, acérée, terriblement belle aussi, noisy sur ses derniers instants. Puis, somptueuse terminaison, Une adresse en Italie. Une trame touchante, qui dépeint magnifiquement et avec une émotion non feinte, une sincérité confondante, le vécu et le ressenti de son auteur. Lequel vient, avec ces onze chansons superbes et cet opus à la portée étendue, de signer une oeuvre de tout premier ordre. Qu’on écoutera et qui s’imposera, ceci ne serait nullement usurpé, Ici et là-bas.