Après l’excellent The echo show (2012), Yeti Lane signe son retour avec un album plus rugueux et moins cotonneux, qui marque l’intronisation du Français dans le chant.
L’Aurore, superbe collection de huit titres psyché-soniques du meilleur accabit, conserve en effet la douceur vocale inhérente au duo, mais la drape d’atours rudes. Ceux-ci se font entendre sur Délicat, qui ouvre le bal en s’accompagnant de guitares lancinantes mais bien tranchantes. On est encore, ici, dans la retenue et dans un format court mais Good words gone, qui suit, intensifie l’orage sonore, de toute beauté dans sa rugosité, qui va de pair avec une voix spatiale, délicate. Chez Ben et Charlie, organique et synthétique ne sont pas dissociés, plutôt adroitement associés. Il y a du Neil Young dans ce doux fracas de guitares, une belle opposition entre l’organe vocal fin et une instrumentation écorchée.
En y adjoignant l’éternel savoir-faire de la paire, ses délicieuses embardées qui déchirent le cosmos (Acide amer), un recours à notre langue qui n’entrave en rien la valeur du rendu, on tient, à nouveau, un grand cru qui marque pour Yeti Lane une évolution naturelle, dans la lignée de ce que le combo parisien s’évertue à mettre en place. Liquide, qui suit, se déployant lentement pour imposer son psychédélisme subtil et bouillant, cosmique en diable. On est frappé par ces sons ingénieux, qui enveloppent ensuite L’aurore à l’unisson avec des guitares entre douceur et zébrures fuzz, parfaitement jouées. L’album envoûte, Cristal sky secoue l’auditeur par son rythme haché, ses excès suivis d’accalmies. Les guitares torturées d’Exquis, leur trame psyché plombée font effet. Puis on décolle avec Ne dis rien et ses sonorités répétées, loops et capacité de Yeti Lane à faire dans le céleste déchiré, brut et pourtant affiné, faisant de ce nouvel opus un must du genre, sans réel égal tant le groupe pose là et derechef sa patte, reconnaissable entre mille.