Projet articulé autour de Fred Landier alias Rubin Steiner, dignement accompagné de quelques amis, Drame pratique un electro-kraut des plus passionnants, joué live et sans recours aucun à la technologie.
L’album éponyme de huit titres présenté ici plonge ainsi son auditeur dans un cosmos agité, rêveur et hypnotique, au pouls kraut (Bugaboo). Improvisé dans une ancienne charpenterie transformée en laboratoire retiré, il donne le ton avec l’introductif Yoko, où les cloches instaurent une répétition entêtante, déjà spatiale, brodée par les claviers. On décolle déjà, on y ajoute la danse quand Avantage-aventure, après une entrée en matière brumeuse, déchire l’espace sous le joug d’une batterie alerte. Dans l’étayage sonore, on fait preuve de génie et le contenu évoque immanquablement Can ou Silver Apples. Drame parvient de plus à attirer l’attention sur ses formats les plus étendus comme sur ses essais brefs comme Serpentine, à la fois céleste et tribal, dépaysant. Normal, le sax de Quention Rollet y mène la danse.
Avant ce morceau, Genuflexion aura imposé ses élans dansants, son jazz aérien, sa simplicité confondante dans la « décoration ». Ici comme ailleurs, on breake adroitement, on navigue à l’envi entre plans lumineux, presque sereins, et instants plus obscurcis. Il pourrait bien générer l’addiction, ce disque, tant il emmène et drape son monde dans ses climats envoûtants. Délibérément expérimental et pourtant cohérent, il dresses des entrelacs de sons avant d’impulser sa cadence et des sonorités, justement, bien trouvées, qu’une basse ponctue remarquablement (Amibes). Qu’il opte pour une certaine légèreté ou se fasse plus tranchant, le rendu est captivant, « autre » dans sa nature et dans sa conception. Sur Canicule, la basse lance la danse, ses lignes font merveille et on s’envole derechef. Il y a dans le « cosmisme » de Drame des fulgurances merveilleuses, qui trouent l’hypnotisme de ses recherches instinctives. On se trémousse dans l’espace, où Drame, ultime livraison de l’équipée, nous propulse lui aussi, boucles obsédantes à l’appui, rythme marqué-effacé également. Les synthés se font ludiques, virevoltants, amènent l’essai à s’enhardir et à l’issue, il devient irrépressible de rejouer cette galette de haute volée, qui fait un bien fou à la tête comme aux gambettes et, outre sa qualité imprenable, permet l’évasion. En ce moment,et pour longtemps, on prend, volontiers…