Distingué à de nombreuses reprises, collaborateur hors-pair, musicien jazz imprenable, Ibrahim Maalouf nous fait la surprise d’une double sortie: Kalthoum, célébration des femmes ayant bouleversé le cours de l’histoire, qui consiste en la décomposition d’une chanson d’Oum Kalthoum, datant de 1969 et composée à l’origine par Baligh Hamidi. Et ce Red and black light, ode aux femmes d’aujourd’hui, étonnamment accessible par ses penchants presque « pop », si on peut dire.
En huit titres, en effet, le trompettiste et ses hommes de main font mouche, usant de suite de gimmicks irrésistibles, virevoltants (Free spirit) drapés dans une esthétique jazzy aussi vive que feutrée. La fine équipe va ensuite planter un décor varié, d’obédience rock parfois (la guitare de François Delporte sur Essentielles), toujours sous le joug d’élans jazz « maison ». Sur certains passages, on fait dans le cosmique aux sons ingénieux (Elephant’s tooth), ici une intro apaisée laisse place à une trame sereine, certes, mais attrayante, justement, de par ses atours célestes (Goodnight kiss).
L’éponyme Red an black light est plus asséné, avant de laisser la trompette du « boss » reprendre les commandes et un ornement délicat, free, se mettre en place. L’ensemble est à l’unisson, on ne s’en étonnera guère s’agissant de Maalouf et ses coéquipiers. Escape riffe, guitare et trompette se donnent le change, les claviers ornent le tout et la batterie, libre, en assied l’équilibre. L’album alterne les climats, il convertirait presque, même, les « opposants » à la caste jazz au dit courant. C’est en tout cas une belle porte d’entrée, Improbable dépaysant son monde, énergique et également bien assis entre délicatesse et coups de semonce passagers. Enfin, une reprise du Run the world (Girls) de…Beyoncé vient mettre fin, dans le délié bien ficelé, à un ouvrage de choix, parfait tremplin vers l’oeuvre plus complexe et exigeante qu’est Kalthoum.