Blues groove soul -c’est en fait bien plus-, signé chez Casbah Records et annoncé comme l’une des sensations de l’année (oulaaa, me dis-je alors, circonspect), Duck Duck Grey Duck est un trio suisse formé à l’initiative d’un Mama Rosin (Robin Girod, chant et guitare) et inspiré par la soul et les guitares twang. Il a la bonne idée d’y greffer un rock remuant, une certaine sensualité à la Jon Spencer et une folie Crampsienne toutefois mesurée, un penchant rugueux à la Black Keys aussi, qui parsèment efficacement ce premier long jet intitulé Here come….
On y trouve des plages bluesy-soul de tout premier ordre (Mexico), Mama don’t mind aura d’abord ouvert la marche sur un groove d’obédience funky, sensualité encanaillée et envolées instrumentales des plus probantes y président, ça s’annonce déjà bon. Mexico renforce le contenu en en confirmant le côté laid-back, détendu mais pétri de style, la haute musicalité aussi. On s’éprend de la coolitude accrocheuse à souhait des bonshommes, qui sur Transworld s’offrent une embardée surf délicieuse et agitée. Spills and chills revient à un cheminement plus « tranquille » mais empreint d’un groove à nouveau diabolique, en velouté écorché décisif. Swimming pool, cadencé, met du Cramps « surfy » dans l’affaire, avec le brio caractéristique de la clique helvète, la conclusion d’une face A de haute volée revenant à Double monk strap, chatoyant, à dominante soul et très sensitif.
Tout cela tient la route, les gars sont de toute façon rodés et savent faire et pour inaugurer la face B, Like a bee évoque le rock d’Elvis jusque dans ses onomatopées. Il ne s’agit pas là de plagiat mais de talent, le passé est relifté avec pertinence et le morceau se pare de guitares mordantes, insufflant de la rudesse dans un répertoire certes attrayant mais souvent retenu, c’est là le seul reproche qu’on pourrait lui faire. Shadow of a man installe un blues-rock leste et de choix, Black Keys dans le ton, aux envolées guitaristiques sulfureuses, la rythmique se fait reptilienne et balourde une dansabilité de dingue. Wrong dream assène à son tour ce groove entêtant, une unité instrumentale saisissante; Here come ne décèle aucune erreur, quand bien même on aimerait y trouver une ou deux ritournelles entièrement enflammées. Ice cream n’en est pas éloigné, rock’n’roll qui pulse non sans finesse, Odysseum se « contente » d’une vêture surf tranchante pas moins accomplie. On est alors déjà entiché de l’album, que Walkin’ termine posément, selon une soul élégante et bien décorée, et de son contenu aux sources situées dans le passé et pourtant bien actuel.