Vingt-huit années d’existence, des scènes incendiaires, des collaborations audacieuses aux résultats inédits (l’une des dernières en date s’étant tenue avec les mythiques Sepultura, dont le côté tribal et tripal hante ce Corros en deux parties pour 31 titres au sein desquels on se « fade » 23 inédits et 8 relectures, tandis qu’Andreas Kisser contribue à Kaiowas sur le premier volet du disque), et maintenant donc, un opus impressionnant, alliance de l’animal emblématique du groupe, le rhinocéros (Ros), avec le corbeau (Cor), ce qui en explique le nom hybride de Corros et sa constitution en deux parties.
Il y a donc, d’abord, un ensemble de dix sept morceaux nouveaux, percussifs et percutants, animés autant par des élans symphoniques audibles entre autres sur Dies irae (l’influence de Jaz Coleman, chanteur de Killing Joke, qui prête ici sa contribution vocale, forcément en relief et génie vocal sur Human smile, excellentissime exercice electro-indus qui se hisse tranquillement à la hauteur de la Blague qui Tue?) que par un esprit métal revendiqué et assimilé et, au delà de ça, une ouverture exemplaire et un champ d’action constamment en friche, exploité avec maestria. La palette des styles et émotions prend du corps, un ancrage electro assez marqué et de choix, allié à l’impact des percus jamais « bidon » de l’armada de Nevers, la valide. On perd pied devant la déferlante d’un Aside, on voyage dans les turbulences de sonorités dépaysantes, à certains endroits orientalisantes (le bien nommé Orient, justement, puis Eureka) et on s’enivre de la puissance du tout, sans aucun creux.
Il y a ici une inventivité dans les étoffes sonores, couplées à la frappe sauvage des Tambours, qui interpelle. Crazy noises, entre autres, illustre la démarche par son ornement et par son intitulé, Halloween groove presque de façon guillerette de par ses claviers puis Erotica instaure des gimmicks presque funky qui, unis aux percus, démontent tout en installant un climat à l’érotisme déviant. Une voix répétitive enfonce le clou de ce titre abouti parmi d’autres, une autre plus sauvage étaye Arolium. On remarque que leur coté épars et réitéré leur donne du coffre, on s’incline ensuite devant Schizomania, indus en diable, entre coups de boutoir et breaks aux sons simples et entêtants. Kaiowas, ou Kisser se distingue à son tour, tribalisant à souhait cette fin de première face avec l’aide de guitares finaudes de tout premier choix avant que War 3.0, au incrustes une fois encore racées, ne porte une dernière touche endiablée.
On passe alors à la face Ros, sélection de titres sortis entre 1990 et 2014 et si de toute évidence évolution(s) il y a eu, depuis leurs débuts chez les Tambours, pertinence il y a dans ce recueil wild aux chants occasionnels rageurs. On en retiendra surtout, cependant, les morceaux datant de 2014 donc « semi inédits », et le côté « dénudé », exempt de l’habillage synthétique cher à bon nombre d’autres compositions, de même que la portée plus frontale donc, moins nuancée, qui étend idéalement la ligne de mire de l’album. A l’image du groupe, perpétuellement dans la recherche, dans le partage et l’investigation sonique et stylistique, qui frappe à nouveau fort et juste, avec le brio et la maîtrise qu’on lui connait. Et selon un éventail qui ne cesse de s’ouvrir et ce, sans jamais sombrer dans l’approximation, loin s’en faut, ou dans le manque de cohérence.