Duo londonien nouvellement signé sur ATP Recordings (Eaux, Fuck Buttons), Vision Fortune expérimente façon Liars, dont ils réitèrent ici l’étrangeté sonore, avec brio sur les hantés Blossom et Habitat qui ouvrent la marche. Country music est leur deuxième opus et n’a rien à voir, de près comme de loin, avec le genre sous-entendu. Les climats sont bien plus barrés, on ose même recourir à une crosse de hockey ou une boite de foie gras pour « faire du bruit ». On ne le fait cependant pas n’importe comment, tout ça est pensé et organisé dans la déstructuration. Drymouth allie percus bricolées et nappes de synthés inquiétantes et ce n’est là qu’un échantillon des essais des deux londoniens, dont le Cleanliness qui suit invente l’electro froide/enjouée au chant économe. Il y a dans l’oeuvre en présence pas mal de savoir-faire, un refus de la norme bien assumé, on use avec insistance de ficelles sonores efficaces (Tita), Tied & bound renoue ensuite avec ce tapage mesuré, spatial et bruitiste en même temps, d’obédience electro pour « situer l’inclassable ».
Le second volet introduit un Sangrino tout aussi sombre, la voix se fait plus distante encore, la dextérité à créer du bruit harmonieux/dissonant demeure, Stalker impose ses saccades et s’il faut bien évidemment parvenir à ingurgiter le tout, l’effort vaut d’être fourni. Drunk ghost s’anime, fait parler son intitulé, casse la torpeur de l’album, Broken teeth grince et évoque les écarts sonores late 70’s/early 80’s, New Jack City confirme les penchants obscurs, habilement défrichés, de Vision fortune. Réellement « autre », quand bien même les Liars ne sont jamais très loin dans l’esprit, le groupe réussit dans son entreprise et étend la durée sur le terminal Back crawl II, synth-wave froide et alerte qui conclut un disque prenant, singulier. Et dont l’audition donnera un aperçu bien plus significatif que les quelques mots de cet écrit s’agissant d’une oeuvre difficile à décrire mais néanmoins méritoire.