Formé à l’initiative de la chanteuse Anglaise Julie Biereye, débarquée à Paris, White Crocodile rassemble quatre musiciens fortement expérimentés, dont le ciment, outre leur esprit « traveller » et épris de liberté, est la pluridisciplinarité de la Dame, au timbre expressif et souvent explosif. Julie, routarde inlassable, s’appuie en effet sur un vécu de taille pour donner corps à ce premier album, l’excellentissime The stranger, entre délicatesse batailleuse (Santa Fé) ou plus posée, hyper classieuse (One way ticket en ouverture, exaltant, sous-tendu par un fond ombrageux) et essais plus appuyés, parfaitement ouvragé et d’une authenticité confondante.
Ici on ne triche pas, la vérité, l’engagement sont de mise et on vit intensément ce qu’on fait, on sert en rangs serrés une impressionnante série de morceaux au dessus de la mêlée, dont le tubesque et imparable Where’s the money. L’accent du chant apporte un plus, la tonalité folk-rock/cabaret enfumé du rendu tout autant, l’usage de deux langues, Français et Anglais, en renforce l’impact et la singularité. Voilà un disque aussi sauvage que sensuel, qui raconte des histoires dont on s’entiche, dont jamais on ne se fiche. En collectif rodé et inspiré, White Crocodile, attractif jusqu’à son intitulé, fait de ce long jet initial un coup de maître. The walker souffle un blues perverti, torturé, à la fois élégant et sulfureux, Big city riffe et trace en mode post-punk, guitares à la Gang of Four à l’appui et la folie créative de The stranger fait qu’au fil des écoutes, il nous devient, paradoxalement, de moins en moins étranger et de plus en plus familier. Le Crocodile Blanc montre les crocs mais peut se faire doucereux (un splendide Loneliness, poignant), il voit sa genèse racontée le temps de l’interlude Le crocodile blanc, court mais génialement déjanté et qui sert d’ailleurs d’amorce à Les avions, énième plage accomplie aux atours pop-rock dotée encarts synthétiques bienvenus.
On touche alors preque à la fin et on le regrette bien, Restless nous réjouit à son tour, griffe de son rock acéré, nuancé avec adresse. La symbiose est évidente, les guitares de ce titre sont juste, entre autres éléments, magiques, la voix donne la foi, la foi en cette rondelle de niveau élevé. On renoue ensuite avec un canevas tranquille et de grande beauté sur Sleepless tango, délicat, puis la conclusion survient avec The lady’s on fire, qui illustre bien son nom et crache un rock’n’roll high energy du plus bel effet, aux choeurs attrayants, animé par un cachet rétro qui déteint par ailleurs positivement sur l’album dans son intégralité. Et qui révèle une formation déjà majeure, à suivre à la note près, à l’âme profonde et au talent pour le coup bluffant.