Qu’il nous est précieux, ce groupe russe de chez Talitres, passé depuis son Calendar de 2012 à un statut international et basé à l’orée du Caucase. Ses mélopées froides, sa pop lyrique et pourtant glacée, en contre-effet saisissant donc, fait son charme et si on le dit justement plus « mélodieux » sur ce Poverty aux neufs titres rutilants, le constat se vérifie tout en laissant filtrer une belle énergie.
Il a ici la mélodicité vive des Smiths, dans le jeu de guitare notamment (l’excellent Corona en ouverture, Red drop ou Johnny Marr parait presque présent), un Dispersed energy de haut niveau, très Joy Division, obscurcit le tableau et en trois titres, le quintet de Rostov sur le Don démontre qu’il n’a rien perdu de ses vertus. La basse, charnelle, couplée à cette batterie galopante, mène la danse ombrageuse, avec ses trouées de lumière occasionnels tout à fait remarquables (Heavy wave), et des synthés discrets mais décisifs apportent eux aussi une contribution de taille. Tous ces éléments s’accordent et servent d’écrin au chant singulier de Vladislav Parshin, en velouté-assombri du plus bel effet, évoquant un hybride Curtis-Morrissey. Les titres sont de plus assez brefs pour ne pas lasser, vont à l’essentiel et développent une identité Motorama qui, si elle laisse transparaître des influences évidentes, les assimile parfaitement et creuse avant tout le sillon d’une personnalité incontestable.
On peut par conséquent parler de son Motorama, Impractical advice et sa finesse alerte, à mi-chemin du parcours, ne marque aucun fléchissement. Au contraire, il confirme le brio du groupe, au couple fondateur d’un talent conséquent, Airin Marchenko se distinguant par son jeu de basse de nature à rendre le tout dansable tout en en accentuant la froideur addictive pendant que Vladislav souffle son chaud et froid merveilleux (en ce sens, Lottery est un véritable délice, nappé par ces claviers remarquables). Old renoue avec des atours froids, caucasiens pourrait-on dire, on appréciera le rythme régulièrement vif des chansons livrées, le saccadé Similar way suinte lui aussi la classe. Dans ses instants cold, Motorama réalise la prouesse d’égaler l’impact de Joy Division; dans ses moments plus poppy, il atteint les mêmes sphères dans le rendu. Un urgent Write to me peut alors mettre fin à l’aventure, jalonné par la basse et ponctué par des synthés omniprésents, avec panache: la messe est dite et Motorama retrouve son trône avec son Poverty qui marque une légère évolution sans jamais porter atteinte à l’individualité du groupe ni à son cachet si particulier et de plus en plus prisé.