Serions-nous gâtes -la question est volontairement stupide- par la Lune des Pirates? A l’interrogation, Emily Jane White (hébergée par Talitres, gage de qualité certaine) a apporté une jolie réponse, en ce jeudi soir, face à une centaine de spectateurs qui, à l’image de ceux de la veille, « risquent » fort de ne pas revenir, attirés avant tout par l’univers intimiste de l’Américaine. La Lune mérite cependant amplement qu’on lui soit fidèle et nous aura permis, en première partie, une énième découverte avec ce trio du sud de la France, Martin Mey.
Entre soul et pop, agrémenté de pointes rock et d’une rudesse parfois affirmée, le territoire musical des jeunes musiciens n’en exhale pas moins une grande sensibilité, que mettront à nu quelques essais acoustiques d’obédience folk, dont They won’t come around. Never go down et ses « aahhh » repris par l’assistance à l’initiative du leader du groupe, saccadé, percutant dans sa beauté, viendra consolider le registre de ces jeunes musiciens dont on entendra à coup sûr reparler à l’avenir. Tout comme Snowing on school days, sucrerie pop-soul qui ne brille pas uniquement par son bel intitulé. Ou ce morceau final entre intro, et fin, quasi-silencieuses et rythme fracassant, insistant, positionné entre les deux. Une apparition prometteuse, signée d’une formation dont le recours à deux claviers s’avère juste, la basse charpentant efficacement l’ensemble à l’instar de la batterie, tandis que l’absence totale de guitare n’entache en rien la qualité des rendus.
Passé une transition très longue, La vedette du soir, en duo avec son batteur, investit la scène Lunaire et impose une série de compositions elles aussi lunaires, feutrées, dominées par le piano et un tantinet linéaires de par leur côté ouaté. Toutefois, l’accroche est bel et bien là, et de rares pointes plus enlevées épicent ce live prenant, suivi religieusement par les curieux du soir. La voix est superbe, l’émotion non feinte et si la torpeur communicative de la prestation de la Dame s’était accompagnée d’un peu plus d’audace (comme sur ce Liza magistral), elle aurait tout simplement été parfaite. Mais les morceaux joués ce soir, bien que dépouillés, remplissent l’espace, le jeu de guitare finaud et une frappe effacée se couplent au chant pour imposer des climats à l’ombrage timide mais persistant. Le piano rompt à l’occasion la sérénité des essais, c’est beau mais encore trop retenu, le clair-obscur ainsi façonné faisant malgré tout sensation auprès du public. On attend un peu plus mais on reste finalement les yeux écarquillés, légèrement humides, à l’écoute des morceaux de la paire.
A l’issue, donc, d’un bon moment, apaisant et assez captivant pour retenir l’attention, mais excessivement sage. Dommage quand on sait l’artiste en question capable de durcir le ton sans y perdre une once de personnalité.