L’écoute des deux premiers essais d’Hanni El Khatib m’ayant révélé un homme doué mais dont les rendus semblaient s’essouffler en leur fin après de bons départs, bien bruts, c’est à la fois avec crainte et espoir que je « négocie » avec mon « dealer en son » de chez Because la nouvelle tentative de l’homme gominé.
Surprise, l’objet se teinte de soul, le garage des débuts est partiellement débarrassé de sa rocaille, on y perd certes en intensité mais qu’importe, l’impact est toujours de mise (Melt me) et on gagne ici en groove, en feeling soul et en « dansabilité » funky.
En outre, aucun affaiblissement n’est à dénombrer, pas même sur la fin et Moonlight installe sans tarder, pour débuter, un climat prenant, embelli et intensifié par la snake guitar de Matt Sweeney. On est ici dans un parti-pris « cool » qui conserve une belle ampleur et marie à merveille vêture chatoyante et incrustes plus rugueuses. Le Melt me cité plus haut prend le relais avec force et mélodie, riffe dur et louche appréciablement sur les premiers pas de la paire, El Khatib étant toujours dans une symbiose affirmée avec son batteur Ron Marinelli. Le procédé est similaire à celui des Black Keys; on évolue par petites touches sans trop dénaturer le discours et si la méthode commence maintenant à se généraliser et par conséquent à moins captiver, encore faut-il l’appliquer avec talent. C’est ce que fait le Philippin d’origine et The teeth dessert un blues-rock bourru/mélodieux sans défauts et, comme de coutume avec notre artiste, au dessus de la moyenne. Comme face à tout procédé de « mutation musicale », on est d’abord dans l’hésitation, face à un changement qui désoriente, puis on prend conscience de l’impact de la copie, parfaite ou presque.
Il est de plus difficile de ne pas se trémousser à l’écoute d’un Chasin’ au mellotron bien amené, la tendance au « plus tranquille » génère d’excellentes choses et même Worship song (N°2), avec son envolée de guitare triturée d’obédience bluesy, fait mouche. Orgue et piano décorent certains titres, leur usage est également judicieux.
Plus loin, Mexico alterne plans classieux et encarts tranchants, c’est plutôt réussi puis Servant rocke avec prestance, sans délicatesse superflue mais en s’habillant de mélopées de qualité. Les choeurs de Yasi Salek apportent, hissent ledit morceau vers le quasi statut de tube rock et passé ses dernières notes, la puissance de All black permet à l’album de trouver son assise définitiveentre rock pur et plages fusionnées.
On reste dans le soutenu, en plus soul, sur l’excellent Home au six-cordes high-quality, ça rocke en déhanchant le bassin et c’est bon signe. Dance hall, plus insidieux, s’agite après une amorce retenue, guitares vrillées, spatiales mais de caractère et chant encore une fois marquant s’unissent avec bonheur. Et pour finir, Two brothers frappe juste avec ses gimmicks funky que surlignent viola et synthés, au moment donc de clôturer les débats, pour le coup exempts de tout creux. Quand bien même on aurait, en toute franchise, apprécié voire préféré que l’énergie brute domine…tout en appréciant Moonlight à sa juste et grande valeur.